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visage. Voilà qui est bien : maintenant vous voilà redevenue une brave fille.

— J’essaye de l’être, répondit-elle, souriant à travers ses larmes.

— C’est déjà quelque chose que d’essayer, et chez vous cela suffit. Est-ce que je ne vous connais pas d’ancienne date ? s’écria gaiement Martin. Bien, très-bien ! À présent, je puis vous confier mes plans aussi tranquillement que si vous étiez déjà ma petite femme, Mary. »

Elle se pressa davantage encore contre son bras, et, levant vers lui la tête, elle l’invita à parler.

« Vous voyez, dit Martin, jouant avec la petite main de Mary qui était appuyée sur son poignet, vous voyez que tous mes efforts pour réussir dans mon pays ont été rendus inutiles, infructueux. Je ne vous dirai pas par qui, Mary, car cela nous affligerait tous deux. Mais ce n’en est pas moins un fait. Lui avez-vous, dans ces derniers temps, entendu parler d’un de nos parents nommé Pecksniff ? Répondez simplement à cette question.

— Je lui ai entendu dire, à ma grande surprise, que cet homme valait mieux que sa réputation.

— J’en étais sûr !… interrompit Martin.

— Et que, probablement, nous irions faire plus ample connaissance avec lui, sinon même demeurer avec lui, et, je crois, avec ses filles. Il a des filles, n’est-ce pas, mon bien-aimé ?

— Un couple, un couple délicieux, des diamants de la plus belle eau !

— Ah ! vous plaisantez !…

— C’est une plaisanterie très-sérieuse au fond, et qui me donne un profond dégoût. Il faut que vous m’ayez mis de belle humeur pour que je plaisante en parlant de M. Pecksniff, chez qui j’ai vécu en qualité d’élève, et de qui ne n’ai reçu que des affronts et des injures. Dans tous les cas, quelque intimes que puissent être vos relations avec sa famille, n’oubliez jamais ceci, Mary ; quelque démenti que semblent me donner les apparences, ne perdez jamais ceci de vue : Pecksniff est un gredin.

— Vraiment !

— Il l’est en pensée, en actions, de toute manière. Un gredin depuis la plante des pieds jusqu’à la pointe des cheveux. Quant à ses filles, je me bornerai à vous dire, d’après mes