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foyer ; il prit sur la tablette de la cheminée tout ce qui était nécessaire pour écrire ; il établit en face le fauteuil de Martin, et le contraignit à s’y asseoir ; puis il plongea une plume dans l’écritoire, et la lui mit dans la main.

« Allons, monsieur, à la besogne ! cria-t-il. Ferme, monsieur ! Écrivez-moi ça de bonne encre, monsieur ! Si je crois pouvoir remettre la lettre ! Je vous en réponds. Hardi, monsieur ! »

Sans se faire presser davantage, Martin se mit à l’œuvre avec ardeur ; tandis que maître Tapley, s’installant sans autres formalités dans ses fonctions de domestique et de factotum, ôtait son habit et se mettait à nettoyer le foyer et à tout ranger dans la chambre, en se parlant à demi-voix durant tout ce temps.

« Un logement parfait pour la jovialité ! se disait-il en se frottant le nez avec le bouton de la pelle à feu, et promenant son regard autour de la chambre délabrée ; à la bonne heure ! La pluie y tombe à travers le toit. Voilà ce que j’aime. Un lit vermoulu, je parie, tout peuplé de vampires, sans doute. Allons ! mon esprit se retrempe. Voici un bonnet de nuit tout en loques. Bon signe. Ça marchera bien ! … Holà ! hé ! Jane, ma chère, appela-t-il du haut de l’escalier, montez pour mon maître ce grand verre de grog bouillant que vous étiez en train d’apprêter quand je suis arrivé. » Puis, s’adressant à Martin : « C’est bien, monsieur. Dites tout ce qui vous passera par la tête. Soyez bien tendre, monsieur, s’il vous plaît. Ne craignez pas d’y mettre trop de sentiment, monsieur ! »



CHAPITRE XIV.

Dans lequel Martin fait ses adieux à la dame de ses pensées et honore un humble individu dont il veut faire la fortune, en le plaçant sous sa protection.


La lettre, étant bien et dûment signée et cachetée, fut remise à Mark Tapley pour être portée immédiatement, s’il était possible. Mark s’acquitta si heureusement de son ambassade, qu’il réussit à revenir le soir même, au moment où l’on allait