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lui, par un de ses admirateurs habituels, qu’il avait dans le cœur pour les bons sentiments la bourse de Fortunatus. À cet égard, il ressemblait à la jeune fille du conte de fées, excepté que, si ce n’étaient pas de vrais diamants qui tombaient de ses lèvres, du moins c’était du plus beau strass, et qui brillait prodigieusement. Homme modèle, plus rempli de préceptes vertueux qu’un cahier d’exemples d’écriture. Il y avait des gens qui le comparaient à un bureau de poste, où l’on vous enseigne toujours votre chemin pour aller à tel endroit sans jamais y être allé soi-même : mais ces gens-là étaient ses ennemis, c’étaient les ombres offusquées par son éclat, voilà tout. Son cou même avait quelque chose de moral. On en voyait une bonne partie à découvert, par-dessus une très-mince cravate blanche, qui descendait très-bas, et dont jamais personne n’avait pu découvrir l’attache, car il la liait par derrière ; c’est là que son cou se déployait à l’aise, espèce de vallée qui s’étendait entre les deux pointes saillantes de son col de chemise, unie et déboisée de tout vestige de barbe. Il semblait que M. Pecksniff voulût dire par là : « Pas de déception à craindre ici, mesdames et messieurs ; ici règne la candeur ; un calme honnête fait mon essence. » Il en était de même de ses cheveux d’un gris de fer ; relevés avec la brosse au-dessus du front, ils se tenaient roides et droits, ou bien ils se penchaient doucement dans un accord sympathique avec ses épaisses paupières. Il en était de même de sa personne parfaitement luisante, bien que dépourvue d’embonpoint. Il en était de même de ses manières, qui étaient douces et onctueuses. En un mot, jusqu’à son grand habit noir, jusqu’à son état d’homme veuf, jusqu’à son binocle pendant, tout tendait au même but, tout criait : « Contemplez le moral de M. Pecksniff ! »

La plaque de cuivre placée sur la porte et qui, appartenant à M. Pecksniff, n’eût pu mentir, offrait cette inscription : Pecksniff, architecte ; auquel titre M. Pecksniff ajoutait sur ses cartes d’affaires, celui d’arpenteur. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il avait de quoi arpenter au moins du regard, à voir l’immense perspective qui s’étendait devant les croisées de sa maison. Quant à ses travaux d’architecte, on n’en connaissait pas grand’chose, si ce n’est qu’il n’avait jamais dessiné ni bâti quoi que ce fût : mais il était généralement entendu que ses notions sur cette science étaient terriblement profondes.

Les occupations de M. Pecksniff roulaient principalement,