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agitant la main et souriant, nous ne nous occuperons pas de ce sujet pour le moment. Qu’avez-vous fait, vous, Thomas, hein ? »

M. Pinch promena son regard du maître à l’élève et de l’élève au maître, et il éprouva une telle perplexité, une anxiété telle, que la présence d’esprit lui manqua complètement pour répondre à la question. Dans ce moment difficile, M. Pecksniff (qui se rendait parfaitement compte de l’attitude de Martin, bien que pas une seule fois il n’eût dirigé ses yeux vers lui) remuait énergiquement le feu, et, quand il dut cesser cet exercice, il se mit à boire du thé coup sur coup.

« Ah çà, monsieur Pecksniff, dit enfin Martin d’un ton très-calme, quand vous vous serez suffisamment rafraîchi et reposé, je ne serai pas fâché de savoir ce que signifie la manière dont vous me traitez.

— Et, dit M. Pecksniff, tournant vers Tom Pinch un regard plus doux et plus tranquille encore qu’auparavant, et qu’avez-vous fait, vous, Thomas, hein ? »

Après avoir répété cette question, il se mit à contempler les murs de la chambre, comme s’il était curieux de voir si, par aventure, on n’y aurait pas laissé autrefois quelques vieux clous.

Tom était fort embarrassé de sa contenance entre les deux parties, et déjà il avait adressé un signe à M. Pecksniff, comme pour attirer son attention sur le gentleman qui venait de lui parler, quand Martin lui épargna la peine d’insister.

« Monsieur Pecksniff, dit-il en frappant légèrement la table à deux ou trois reprises, et se rapprochant d’un pas ou deux, de manière à toucher presque de la main l’architecte, vous avez entendu les paroles que je viens de vous adresser. Faites-moi la grâce de me répondre, s’il vous plaît. Je vous demande (et il éleva un peu la voix) ce que cela signifie.

— Je vais vous parler tout à l’heure, monsieur, dit M. Pecksniff d’un ton sévère, et en le regardant pour la première fois.

— Vous êtes trop bon, répliqua Martin. Ce n’est pas de me parler tout à l’heure qu’il s’agit ; je vous prie de le faire tout de suite. »

M. Pecksniff eut l’air d’être profondément occupé à considérer son agenda, mais le livre tremblait dans ses mains.

« Tout de suite, reprit Martin frappant de nouveau sur la table, tout de suite ; ce n’est pas tout à l’heure, c’est tout de suite !