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il avait encore quelques heures devant lui, il les accompagna l’espace de trois ou quatre milles, et ne se sépara d’eux enfin qu’à la dernière extrémité. Les adieux furent pleins de cordialité, non-seulement entre John et Tom Pinch, mais encore de la part de Martin, qui avait trouvé dans l’ancien élève autre chose que la poule mouillée qu’il s’attendait à rencontrer.

Le jeune Westlock s’arrêta sur une petite hauteur qu’il avait gagnée à peu de distance, et là il resta à les suivre du regard. Ils marchaient d’un pas rapide, et Tom paraissait parler avec chaleur. Le vent ayant tourné, Martin avait ôté son pardessus et l’avait mis sur son bras. John vit de loin Tom l’en débarrasser, après une courte résistance, et le jeter par-dessus le sien qu’il avait mis bas également, se chargeant du double fardeau. Cet incident, fort ordinaire assurément, produisit cependant une impression sérieuse sur l’esprit de l’ancien élève, qui ne bougea point jusqu’à ce qu’il eût entièrement perdu de vue les deux voyageurs. Alors il hocha la tête comme s’il était troublé par quelque réflexion pénible ; puis, tout pensif, il regagna Salisbury.

Pendant ce temps, Martin et Tom poursuivaient leur chemin, jusqu’au moment où ils arrivèrent sains et saufs à la maison de Pecksniff. Là ils trouvèrent une courte lettre à l’adresse de M. Pinch, par laquelle le bon gentleman annonçait le retour de la famille par la diligence de nuit pour le lendemain matin. Comme la voiture devait arriver au coin de la ruelle à peu près à six heures, M. Pecksniff enjoignait à M. Pinch de s’arranger pour que le cabriolet attendît au poteau de la ruelle, avec un chariot destiné à transporter le bagage. Afin de recevoir le maître avec de plus grands honneurs, les deux jeunes gens convinrent de se lever de très-bonne heure, et d’aller eux-mêmes au-devant de M. Pecksniff.

Le reste de la journée fut la plus maussade qu’ils eussent encore passée ensemble. Martin était d’une humeur détestable, car tout lui servait de point de comparaison entre sa position, ses perspectives d’avenir, et le sort du jeune Westlock ; or la comparaison était toute à son désavantage. Tom était attristé de le voir dans cet état, et cela lui gâtait le souvenir des adieux du matin et du dîner de la veille. Aussi les heures se traînèrent-elles péniblement, et les deux jeunes gens furent heureux d’aller se coucher.

Ils ne furent pas tout à fait aussi heureux d’avoir à sortir à