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cher Tom. J’ignore comment diable nous sommes tombés sur ce malheureux thème. Je vous demande pardon de tout mon cœur.

— Vous avez une nature indépendante et énergique, dit Pinch. Aussi votre manque de générosité dans cet unique sujet ne m’en afflige que davantage. Vous n’avez pas à me demander pardon, John. Vous ne m’avez donné à moi que des témoignages d’amitié.

— Alors je demande pardon à Pecksniff, dit le jeune Westlock, à qui vous voudrez et comme vous voudrez ; je demande pardon à Pecksniff. Êtes-vous satisfait ?… Allons, buvons à la santé de Pecksniff !

— Merci ! s’écria Tom, qui lui pressa les mains avec ardeur et se versa une rasade. Merci ! Je boirai ce verre de tout mon cœur, John. À la santé de M. Pecksniff et à sa prospérité ! »

John Westlock s’associa à ce toast, ou à peu près ; car il but à la santé de M. Pecksniff, et à quelque autre chose… mais ce quelque chose là, personne que lui ne put l’entendre. L’accord général étant alors rétabli complètement, les trois amis se rangèrent en cercle autour du feu, et causèrent avec une entente et une gaieté parfaites, jusqu’au moment d’aller se coucher.

Il y eut une petite circonstance, si légère qu’elle fût, qui fit merveilleusement ressortir la différence de caractère entre John Westlock et Martin Chuzzlewit : c’est la manière dont chacun de ces deux jeunes gens considéra Tom Pinch, après la petite altercation que nous avons rapportée. Il y avait dans leurs regards à tous deux un certain air badin ; mais ici s’arrêtait la ressemblance. L’ancien élève ne pouvait assez témoigner à Tom les sentiments pleins de cordialité qu’il éprouvait à son égard, et ses attentions amicales avaient pris quelque chose de plus grave, de plus posé. Le nouvel élève, au contraire, ne pouvait s’empêcher de rire en songeant à l’excessive absurdité de Tom ; et à sa jovialité se mêlait une nuance de dédain et de pitié indiquant que, suivant lui, M. Pinch poussait trop loin la simplicité pour être admis, sur le pied d’une égalité sérieuse, à l’amitié d’un homme raisonnable.

John Westlock qui, autant que possible, ne faisait rien à demi, avait retenu des lits dans l’hôtel pour ses deux hôtes ; et, après une soirée tout à fait agréable, ils se retirèrent.

M. Pinch était assis sur le bord de son lit ; il avait ôté sa cravate et ses souliers, et passait en revue les nombreuses et