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mes paroles, Pinch. Quand les exécuteurs testamentaires de mon père auront craché au bassin… » Il employait çà et là d’étranges expressions, mais c’est sa manière.

— Cracher au bassin est une excellente expression, observa Martin, quand ce n’est pas vous qui le faites. Eh bien ?… que vous êtes lent, Pinch !

— Oui, je sais que je le suis, dit Tom ; mais vous me donnerez sur les nerfs si vous me pressez trop. Je crains déjà que vous ne m’ayez fait perdre le fil de mes idées, car je ne sais plus où j’en étais.

— Quand les exécuteurs testamentaires du père de Westlock auront craché au bassin… dit Martin d’un ton d’impatience.

— C’est cela, oui, c’est cela. « Alors, me disait John, je vous donnerai un dîner, Pinch, et je viendrai pour cela tout exprès à Salisbury. » Quand John m’écrivit dernièrement, le matin même du départ de Pecksniff, vous savez, il m’apprit que ses affaires étaient sur le point d’être terminées, et me demanda de lui fixer un jour de rendez-vous à Salisbury, vu qu’il était au moment de recevoir son argent. Je lui écrivis en lui marquant que ce serait pour le jour de cette semaine qu’il lui plairait ; en outre, je lui appris qu’il y avait ici un nouvel élève, un brave garçon, et que nous étions bons amis. Là-dessus, John m’a écrit de nouveau la lettre que voici… (Tom exhiba cette lettre). Il me fixe le rendez-vous pour demain ; il vous envoie ses compliments ; il exprime le vœu que nous ayons le plaisir de dîner ensemble tous trois, non à l’auberge où vous et moi nous nous sommes rencontrés la première fois, mais au premier hôtel de la ville. Lisez vous-même.

— Fort bien, dit Martin, jetant un coup d’œil sur la lettre avec sa froideur habituelle. Je lui suis très-obligé. J’accepte l’invitation. »

Tom eût souhaité de le voir un peu plus surpris, un peu plus charmé, un peu plus ému de ce grand événement. Mais Martin était parfaitement calme et, reprenant son sifflement favori, il revint à son plan de collège, comme si de rien n’était.

Le cheval de M. Pecksniff était considéré comme un animal sacré, qui ne pouvait être conduit que par lui seul, lui, le grand prêtre du temple, ou par quelque personne qu’il commît nominativement, dans sa haute confiance, à remplir cette mission. Aussi les deux jeunes gens se déterminèrent-ils à se