Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/217

Cette page a été validée par deux contributeurs.

c’était une simple plaisanterie, et qu’il les priait de ne pas la prendre au sérieux.

— Je bois à Pecksniff, dit Anthony ; à votre père, mes chères demoiselles. Pecksniff, un habile homme, un finaud ! Un hypocrite cependant, hein ! Un hypocrite, jeunes filles, hein ! Ha ! ha ! ha ! Eh bien, oui. Entre amis, nous pouvons le dire, c’en est un. Je n’en pense pas plus mal de lui pour cela, si ce n’est qu’il va un peu trop loin. On peut exagérer tout, mes chères petites. On peut exagérer même l’hypocrisie. Demandez à Jonas.

— Vous ne craignez toujours pas d’exagérer le soin que vous prenez de votre petite personne, répliqua l’aimable enfant, la bouche pleine.

— Entendez-vous cela, mes petites amies ? s’écria Anthony charmé. Que d’esprit ! que d’esprit ! L’exception est bonne, Jonas ; c’est vrai, il est permis d’exagérer ça.

— Excepté, dit à demi-voix M. Jonas à sa cousine préférée, quand on en abuse pour vivre trop longtemps. Ha ! ha ! Dites donc ça à l’autre

— Mon Dieu ! s’écria Cherry avec pétulance, vous pouvez bien le lui dire vous-même, si cela vous fait plaisir.

— Elle a toujours l’air de se moquer du monde, répliqua M. Jonas.

— Mais aussi, pourquoi vous occupez-vous d’elle ? dit Charity. Je suis bien sûre qu’elle ne s’occupe guère de vous.

— Vrai ? demanda Jonas.

— Ah ! par ma foi ! reprit-elle, est-ce que vous avez besoin que je vous le répète ? »

M. Jonas ne répliqua rien, mais il regarda fixement Mercy avec une drôle d’expression, en disant qu’elle pouvait être certaine qu’il n’en mourrait toujours pas de chagrin. Puis il parut témoigner à Charity plus d’empressement que jamais, en la priant, c’était son genre de politesse, de vouloir bien se rapprocher de lui.

« Père, dit-il après quelques moments de silence, il y a encore une chose qui ne saurait être exagérée.

— Laquelle ? demanda le père, grimaçant d’avance un rire d’approbation.

— C’est de gagner sur les marchés, dit Jonas. Voici la règle, en fait de gain : « Faites aux autres ce qu’ils voudraient vous faire. » Voilà le véritable précepte de l’évangile de commerce. Le reste n’est qu’imposture. »