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d’exemples dans l’espace d’un seul jour que le canon à vapeur ne décharge de boulets en une minute.

« Mais, dit Jonas, en voilà assez sur mon père ; à quoi bon se faire du mauvais sang à parler de lui ? Je viens vous demander, ma cousine, si vous voulez faire une promenade avec moi pour aller voir ensemble quelques-unes des curiosités de Londres ; nous passerons ensuite chez nous pour y manger un morceau. Très-probablement dans la soirée Pecksniff viendra vous retrouver pour vous ramener à votre logis. Il me l’a dit. Tenez, voici un billet de lui. Je le lui ai demandé ce matin, lors de notre rencontre, quand il m’a eu annoncé qu’il ne pourrait être de retour ici avant que j’y fusse venu. C’était une précaution nécessaire dans le cas où vous ne me croiriez pas. Il n’y a rien de tel qu’un certificat, n’est-il pas vrai ?… Ha ! ha ! ha !… Dites donc, vous emmènerez l’autre, hein ? »

Miss Charity interrogea du regard l’autographe paternel qui portait simplement ceci : « Allez, mes enfants, avec votre cousin. Conservons l’union entre nous tant que cela se peut. » Et, après quelque hésitation pour accorder un consentement en forme, elle se retira afin de se préparer avec sa sœur à cette excursion. Elle ne tarda pas à reparaître, accompagnée de miss Mercy, qui n’était point du tout contente de quitter ses brillantes conquêtes de la maison Todgers pour la société de M. Jonas et de son respectable père.

« Ah ! ah ! s’écria Jonas. Tiens, tiens, c’est vous ?

— Oui, vilain monsieur, dit Mercy, oui c’est moi ; et je voudrais bien être partout ailleurs, je vous l’assure.

— Vous ne pensez pas ce que vous dites, s’écria Jonas, cela n’est pas possible.

— Vilain homme, répliqua Mercy, vous êtes bien le maître d’avoir là-dessus l’opinion qu’il vous plaira, comme moi de garder la mienne ; et la mienne c’est que vous êtes déplaisant, désagréable, odieux ! »

Ici elle rit aux éclats et parut à la joie de son cœur.

« Oh ! la maligne chouette ! dit M. Jonas. C’est une taquine décidée ; n’est-il pas vrai, ma cousine ? »

Miss Charity répondit qu’elle n’était pas à même de préciser les habitudes et les goûts d’une taquine décidée ; et que, à supposer qu’elle possédât sur ce sujet les notions nécessaires, il lui conviendrait mal de reconnaître l’existence dans la famille d’une personne qui pût recevoir une épithète aussi malson-