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voir une visite, et que son aînée voulait ainsi témoigner de sa supériorité et prendre sur elle une revanche de l’effet qu’elle avait produit sur les gentlemen du commerce. Aussi répondit-elle avec un ton poli et affectueux que c’était sans nul doute fort étrange, et que pour sa part il lui était absolument impossible de deviner quel était ce ridicule inconnu et ce qu’il voulait.

« Absolument impossible à deviner !… dit Charity avec une certaine aigreur, voyez un peu ! comme si vous aviez besoin de vous fâcher, ma chère.

— Bien obligée, répliqua Mercy qui se mit à fredonner en tirant son aiguille. Je profiterai de votre bon conseil, mon amour.

— Je crois en vérité que cette petite sotte a perdu la tête ! dit Cherry.

— Savez-vous, ma chère, dit Mercy avec une candeur ravissante, que je le crois aussi ? vraiment j’en ai peur ! Tant d’encens, tant d’hommages et le reste, c’en est assez pour faire tourner une tête plus forte que la mienne. Quelle consolation pour vous, ma chère, d’être si tranquille à cet égard et de n’être point tourmentée par ces vilains hommes ! vous êtes bien heureuse, n’est-ce pas, Cherry ? »

Cette question naïve eût pu amener de bruyants débats sans la forte impression de plaisir que ressentit Bailey junior, dont la satisfaction fut telle en voyant la tournure qu’avait prise la conversation, que notre jeune concierge ne put s’empêcher d’exécuter, à l’instant même, un pas de danse extrêmement difficile de sa nature et qu’on ne peut réussir que dans un moment de paroxysme : c’est le pas qu’on appelle vulgairement le saut de grenouille. Cette manifestation si vive rappela immédiatement au souvenir des deux sœurs le grand et sage précepte dans lequel elles avaient été élevées : « Quoi que vous fassiez, conservez toujours les apparences. » Elles firent donc trêve à leur mauvaise humeur et s’unirent pour signifier à M. Bailey que, s’il osait encore se permettre devant elles une pareille danse, elles dénonceraient aussitôt sa conduite à Mme Todgers et laisseraient à cette dame le soin de lui infliger une juste punition. Le jeune gentleman, après avoir exprimé l’amertume de son repentir en affectant d’essuyer avec son tablier ses larmes brûlantes, puis en feignant de tordre ce vêtement pour en faire tomber une grande quantité d’eau, tint la porte ouverte pour laisser passer miss Charity, qui