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gez pas, mes amis, dit-il tendrement. Ne pleurez pas pour moi. C’est chronique. »

Et en parlant ainsi, après avoir fait un vain effort pour lever ses pieds, il tomba dans le foyer de la cheminée.

Le plus jeune gentleman de la compagnie l’eut relevé en un instant. Oui, avant qu’un seul cheveu de la tête du vieillard fût brûlé, il l’avait posé sur le tapis… son père à elle !

Mercy était hors d’elle, et sa sœur également. Jinkins les consola de son mieux. D’ailleurs, tout le monde les consolait. Chacun avait quelque chose à leur dire, si ce n’est le plus jeune gentleman de la compagnie, qui avec un noble dévouement, et sans que personne prît garde à lui, avait fait le plus de besogne et garanti la tête de M. Pecksniff. Enfin, les assistants se réunirent autour du cher malade, et convinrent de le porter par l’escalier jusqu’à son lit. M. Jinkins gronda le plus jeune gentleman de la compagnie d’avoir déchiré l’habit de M. Pecksniff. Ha ! ha !… mais n’importe.

Ils portèrent en haut M. Pecksniff, tout en lançant à chaque marche des brocards au plus jeune gentleman.

La chambre à coucher était située au haut de la maison, et pour l’atteindre il n’y avait pas mal de chemin à faire ; cependant ils finirent par y arriver avec leur précieux fardeau. En route, M. Pecksniff leur demandait fréquemment à boire une petite goutte de quelque chose. Cela ressemblait à une manie. Le plus jeune gentleman de la compagnie proposa bien un verre d’eau ; mais M. Pecksniff, pour prix de ce conseil, l’accabla des épithètes les plus méprisantes.

Jinkins et Gander se chargèrent du soin de coucher le malade, et l’arrangèrent du mieux qu’ils purent en le posant sur son lit. Lorsqu’il parut disposé à s’endormir, ils le quittèrent. Mais, avant qu’ils eussent atteint le bas de l’escalier, le fantôme de M. Pecksniff, singulièrement accoutré, apparut se démenant sur le palier d’en haut. Il désirait connaître leur sentiment touchant la nature de la vie humaine.

« Mes amis, cria M. Pecksniff, plongeant son regard par-dessus la rampe, fortifions notre esprit par la discussion, par la contradiction mutuelle. Soyons moraux. Contemplons en face l’existence. Où est Jinkins ?

— Ici, répondit ce gentleman. Retournez à votre lit.

— Au lit ! s’écria M. Pecksniff. Le lit ! c’est la voix du fainéant ; je l’entends dire en gémissant : « Vous m’avez éveillé trop tôt ; je veux encore dormir. » S’il y a quelque jeune or-