Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.

disent qu’ils n’ont pas fait de progrès, madame, et que le prix de la pension était trop élevé, ils mentent !

— Il faut que ce soient de vils misérables !

— Madame, vous avez raison. J’estime en vous cette manière de voir. Un mot à l’oreille. Aux parents et aux tuteurs… Ceci est entre nous, madame Todgers ?

— Oui, entre nous.

— Aux parents et aux tuteurs s’offre en ce moment une favorable occasion qui unit les avantages de la meilleure éducation pratique architecturale au confort de la famille, et la société constante de personnes qui, dans leur humble sphère et leurs modestes capacités, remarquez bien ceci ! n’oublient pas leur responsabilité morale. »

Mme Todgers le regardait, assez embarrassée de savoir ce que ces paroles signifiaient, si même elles signifiaient quelque chose. C’était, en effet, le lecteur peut se le rappeler, la forme habituelle de la réclame de M. Pecksniff, quand il demandait un élève ; mais, pour le moment, l’avis ne semblait se rapporter à rien de particulier. Cependant, M. Pecksniff leva son doigt, comme pour avertir la dame de ne point l’interrompre.

« Connaissez-vous, madame Todgers, un père de famille ou tuteur qui désire profiter d’une occasion si précieuse pour un jeune gentleman ? On préfèrerait un orphelin. Connaissez-vous un orphelin qui puisse donner trois ou quatre cents livres sterling ? »

Mme Todgers réfléchit et secoua la tête.

« Si vous entendez parler d’un orphelin qui puisse donner trois ou quatre cents livres sterling, priez les amis de ce cher orphelin de s’adresser par lettre, franc de port, à S. P. Poste restante, Salisbury… J’ignore qui c’est, au juste… Ne vous inquiétez pas, madame Todgers, ajouta M. Pecksniff, tombant lourdement sur elle, c’est chronique ! chronique !… Faites-moi donner une petite goutte de n’importe quoi.

— Dieu nous garde, mesdemoiselles Pecksniff ! s’écria tout haut Mme Todgers, votre cher p’pa est très-mal ! »

M. Pecksniff se redressa par un effort extraordinaire, tandis que chacun courait à lui avec précipitation, et, se remettant sur ses pieds, il promena sur l’assemblée un regard empreint d’une ineffable sérénité. Petit à petit, un sourire succéda à ce regard ; un sourire doux, sans force et plein de mélancolie, un sourire aimable même dans sa souffrance. « Ne vous affli-