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secrets pour lesquels il se montre, en plus d’une occasion, plein de reconnaissance.

Il serait superflu de multiplier les exemples de la position élevée, sublime, et de la vaste importance des Chuzzlewit, à diverses époques. Si l’on exigeait d’autres preuves pour arriver à une probabilité suffisante, nous pourrions les entasser les unes sur les autres jusqu’au point d’en former des Alpes de témoignages, sous lesquelles le plus effronté scepticisme serait écrasé et aplati. Mais à présent que voilà un bon petit tumulus bien conditionné et un monument décent élevé sur la sépulture de la famille, le présent chapitre laissera là ce sujet : bornons-nous à ajouter, en guise de pelletée dernière, que bien des Chuzzlewit, mâles et femelles, ont pu prouver, sur la foi des lettres écrites par leurs propres mères, qu’ils avaient eu des nez réguliers, des mentons irrécusables, des formes qui eussent pu servir de modèle à la sculpture, des membres parfaitement tournés et des fronts polis d’une transparence telle qu’on y voyait les veines bleues courir dans plusieurs directions, comme les tracés divers d’une sphère céleste. Ce fait en lui-même, eût-il été isolé, suffirait pour servir de certificat à leur noble origine : car il est bien connu, d’après l’autorité des livres qui traitent de pareilles matières, que chacun de ces phénomènes, mais surtout celui des nez réguliers, est le privilège invariable des personnes de la plus haute condition et dédaigne de se montrer ailleurs.

L’historien ayant, à sa satisfaction complète, et par conséquent à la complète satisfaction de tous ses lecteurs, prouvé que les Chuzzlewit ont eu une origine, et que leur importance, soit à une époque, soit à une autre, a été de nature à ne pas manquer de rendre leur société agréable et convenable pour tous les gens sensés, il peut maintenant poursuivre sa tâche avec ardeur. Ayant montré qu’ils ont dû avoir, en raison de leur antique race, une large et belle part dans l’établissement et les développements de la famille humaine, son affaire sera de faire voir un jour que tels des membres de cette lignée qui paraîtront dans l’ouvrage ont encore dans le grand monde autour de nous des pendants et des prototypes. Pour le moment l’historien se borne à faire remarquer, en tête de son travail : 1° Qu’on peut affirmer positivement, sans cependant s’unir de sentiment à la doctrine de Monboddo, d’après laquelle les hommes auraient selon toute probabilité été d’abord des singes, que la nature humaine joue des tours étranges et