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« Je sais aussi tout ce que nous devons à ces jeunes demoiselles.

— Mes chères, dit M. Pecksniff, se tournant vers ses filles avec un sourire, la sœur de Thomas dit quelque chose que vous serez bien aises d’entendre, je pense.

— Nous ne saurions nous attribuer ce mérite, papa ! s’écria Cherry, en même temps que toutes deux informaient par un salut protecteur la sœur de Tom Pinch qu’elles lui seraient fort obligées si elle voulait bien respecter la distance de leurs rangs respectifs. La sœur de M. Pinch ne doit de reconnaissance qu’à vous seul pour les égards témoignés à son frère, et tout ce que nous pouvons en dire, c’est que nous sommes satisfaites d’apprendre qu’il est aussi reconnaissant qu’il doit l’être.

— Oh ! très-bien, miss Pinch, pensa de nouveau l’élève ; vous avez laissé échapper les mots de « frère reconnaissant. » C’est apparemment qu’il vit des bontés d’autrui !

— C’est bien aimable à vous d’être venus ici, dit la sœur de Pinch avec la simplicité et le sourire mêmes de Tom ; bien aimable, en vérité. Vous ne savez pas le plaisir que vous me faites. Il y a si longtemps que j’avais le désir de vous voir et de vous offrir de vive voix les remercîments dont votre modestie ne saurait vous défendre !

— C’est fort bien, c’est fort gracieux, fort convenable, murmura M. Pecksniff.

— Ce qui me rend heureuse aussi, dit Ruth Pinch, qui, une fois la première surprise passée, était devenue communicative et gaie, et qui, dans la bonté de son cœur, aimait à voir toute chose sous le jour le plus favorable, car c’était le vrai pendant du caractère de Tom ; oui, ce qui me rend bien heureuse, c’est de penser que vous pourrez lui dire dans quelle excellente position je suis ici, et combien il serait inutile qu’il regrettât jamais de me savoir livrée à mes propres ressources. Mon Dieu ! aussi longtemps que je saurai qu’il est heureux et qu’il saura que je suis heureuse, nous pourrons tous deux supporter, sans murmure ni plainte, bien plus d’épreuves que nous n’en avons eu à subir. J’en suis certaine. »

Et si jamais, par hasard, on a dit la vérité sur cette terre de mensonges, c’est bien la sœur de Tom qui croyait la dire.

« Ah ! s’écria M. Pecksniff, c’est très-juste. »

Il avait en même temps dirigé son regard vers l’élève.

« Comment vous portez-vous, ma charmante demoiselle ? demanda-t-il.