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qu’elle serait bien embarrassée de décider laquelle des deux ressemblait le plus à sa pauvre mère, et c’était assez naturel, puisqu’elle n’avait jamais vu cette dame, mais qu’il lui semblait que c’était la cadette, et elle ajouta :

« Ces messieurs vont descendre dans l’instant. Fatiguées comme elle le sont de leur voyage, ces demoiselles ne veulent-elles pas se rendre dans leur chambre ? »

Cette chambre était située sur le même palier ; c’était en réalité la salle du fond, sur le derrière ; et, comme l’avait dit Mme Todgers, elle avait le grand avantage (à Londres !) de n’avoir pas de vis-à-vis, ainsi que les deux demoiselles pourraient voir quand le brouillard serait dissipé. Ce n’était pas une annonce pompeuse et vaine, car ladite chambre jouissait seulement d’une perspective de deux pieds terminée par une muraille brune surmontée d’un réservoir obscur. Le logement destiné aux jeunes filles communiquait avec cette pièce par une petite porte on ne peut plus commode, qui ne pouvait s’ouvrir qu’en la poussant de toutes ses forces. Ce boudoir avait aussi vue sur un autre angle de muraille avec une autre face du même réservoir.

« Votre côté n’est pas humide, dit Mme Todgers. L’autre est l’appartement de M. Jinkins. »

Dans le premier de ces sanctuaires le jeune concierge alluma du feu en toute hâte. Tout en faisant sa besogne, il profitait de l’absence de sa maîtresse pour siffler, sans compter les figures qu’il dessinait sur son pantalon de velours à côtes avec des bouts de tison ; mais, surpris par Mme Todgers en flagrant délit, il fut renvoyé avec un soufflet. Mme Todgers prépara de ses mains le déjeuner des jeunes personnes, puis alla présider le repas de ses pensionnaires, qui se livraient avec assez de bruit à des plaisanteries dont M. Jinkins faisait les frais.

« Je ne vous demande pas encore, mes chéries, dit M. Pecksniff montrant son nez à la porte, si vous aimez le séjour de Londres.

– Nous n’en avons pas vu grand’chose, p’pa ! s’écria Mercy.

– Ou plutôt, j’espère, nous n’en avons rien vu du tout, » dit Cherry.

Toutes deux avaient l’air consterné.

« C’est vrai, dit M. Pecksniff. Nous avons devant nous nos plaisirs et nos affaires. Tout viendra en son temps. Il n’y a que patience à prendre. »

Les affaires de M. Pecksniff à Londres se rattachaient-elles