Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Adieu à chacun ! adieu à tous ! cria Mark, agitant son chapeau sur le bout de son bâton de voyage, comme il arpentait d’un pas rapide la petite rue du village. Joyeux ouvriers charrons, hourra !… Voici le chien du boucher qui sort du jardin… À bas les pattes, vieux drôle ! Voici M. Pinch qui va toucher son orgue… Adieu, monsieur ! Tiens ! voilà la petite épagneule d’en face ! Allons, tout beau ! mademoiselle… Et les enfants, en voilà assez pour perpétuer la race humaine jusqu’à la postérité la plus reculée. Adieu, enfants ! adieu, fillettes !… Ah ! c’est maintenant qu’il y a du mérite à être jovial. Du courage jusqu’au bout ! Des circonstances pareilles abattraient un esprit ordinaire ; mais je suis jovial comme on n’en voit pas ; et, si je ne suis pas tout à fait aussi jovial que je voudrais l’être, il ne s’en faut pas de beaucoup. Adieu ! adieu ! »



CHAPITRE VIII.

Où nous accompagnons M. Pecksniff et ses charmantes filles dans leur voyage à Londres, pour voir ce qui leur arrive en chemin.


Lorsque M. Pecksniff et ses deux filles eurent rejoint la diligence à l’extrémité de la ruelle, ils en trouvèrent l’intérieur vide, ce qui leur fut singulièrement agréable ; d’autant plus que l’impériale était comble, et que les voyageurs qu’elle contenait paraissaient transis de froid : car, ainsi que M. Pecksniff le fit observer avec raison, quand lui et ses filles eurent enfoncé profondément leurs pieds dans la paille, se furent enveloppés chaudement jusqu’au menton et eurent relevé les glaces des deux portières, c’est toujours une douce jouissance de sentir, par le temps de bise, qu’il y a beaucoup d’autres personnes qui n’ont pas aussi chaud que vous. « Et c’est, dit-il, une impression toute naturelle, une disposition sage dans l’ordre de la Providence ; ce n’est pas aux diligences que s’en arrête l’application, elle s’étend à toutes sortes d’autres branches du corps social. En effet, poursuivit-il, si chaque homme avait chaud et était bien nourri, nous perdrions le plaisir d’admirer l’héroïsme avec lequel certaines classes supportent le froid et la faim. Et si nous n’avions pas plus de bien-être les uns