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correct, il apposa ses initiales sur le feuillet. Cette opération accomplie, il affirma à M. Pinch que tout était parfaitement en règle ; puis il partit, après lui avoir donné une chaude poignée de main.

Tom n’était pas bien sûr que Martin ne trouverait pas moyen de le plaisanter sur les résultats de cette conférence ; aussi n’était-il pas pressé en ce moment d’aller retrouver son ami. Il fit donc quelques tours sur le terrain du jeu de quilles, et ne rentra pas à l’auberge avant que MM. Tigg et Slyme l’eussent quittée. Embusqués derrière une fenêtre, Martin et Mark guettaient leur sortie. Mark indiqua du doigt à M. Pinch les deux voyageurs qui s’éloignaient, et lui adressa les observations suivantes :

« Je me disais, monsieur, que, s’il y avait moyen de vivre à ce métier, ce serait mon ballot de servir de pareils individus ; ça serait encore plus triste que de creuser des fosses et, par conséquent, ça vaudrait encore mieux.

— Mais ce qui vaudrait mieux encore, Mark, ce serait de rester ici, dit Tom. Suivez donc mon conseil, vous êtes bien ici : restez-y.

— Il est trop tard, monsieur, dit Tom, pour suivre votre conseil. J’ai déclaré la chose hier à la bourgeoise. Je pars demain.

— Demain !… s’écria M. Pinch. Où allez-vous ?

— J’irai à Londres, monsieur.

— Pour y faire quoi ? demanda M. Pinch.

— Ah ! mais je ne sais pas encore, monsieur. Le jour où je vous ai ouvert mon cœur, il ne s’est rien présenté à ma convenance. Toutes les occupations auxquelles j’avais songé étaient trop amusantes : il n’y avait aucun mérite à les prendre. Je suppose que je vais chercher à me placer dans quelque maison bourgeoise. Peut-être aurais-je autant de mal qu’il m’en faut dans une famille d’une dévotion sérieuse, monsieur Pinch.

— Peut-être, Mark, votre humeur ne serait-elle pas beaucoup du goût d’une famille d’une dévotion sérieuse.

— C’est possible, monsieur. Si je pouvais trouver une famille vicieuse, cela vaudrait peut-être mieux, j’aurais lieu de m’estimer moi-même. Mais la difficulté est de s’assurer du terrain, parce qu’un jeune homme ne peut aisément faire connaître par avis qu’il a besoin d’une place, et qu’à ses yeux la question des gages n’est pas aussi importante qu’une