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lence, ne fut pas un rejeton de cette remarquable race : et rien ne serait plus facile à admettre, en supposant, par exemple, qu’un autre Chuzzlewit, appartenant à une génération précédente, eût émigré en Espagne et, là, eût épousé une femme indigène, de qui il eût un fils au teint olivâtre. Cette conjecture vraisemblable est fortifiée, sinon absolument confirmée, par un fait qui ne saurait manquer d’intéresser les personnes curieuses de suivre à la trace et de reconnaître la tradition des goûts héréditaires dans la vie des générations subséquentes, qui reproduisent ainsi, à leur insu, la physionomie de leurs ancêtres. Il est à remarquer que, dans ces derniers temps, plusieurs Chuzzlewit, après avoir, sans succès, essayé d’autres états, se sont, sans la moindre espérance raisonnable de s’enrichir et sans aucun motif admissible, établis marchands de charbon, et que, de mois en mois, ils sont restés à garder obscurément une petite provision de cette denrée, sans être jamais entrés en arrangement avec aucun acheteur. L’étrange similitude qu’il y a entre cette façon d’agir et celle qu’adopta leur grand aïeul sous les voûtes du Parlement à Westminster, est trop frappante et trop significative pour avoir besoin de commentaire.

Également, il ressort avec toute évidence des traditions orales de la famille, qu’à une période de son histoire non distinctement définie, il exista une dame dont les goûts étaient si destructeurs et qui était si familière avec l’usage et la composition des matières inflammables et combustibles, qu’on l’avait surnommée la Fabricante d’allumettes. C’est sous ce sobriquet populaire qu’elle a été connue jusqu’ici dans les légendes de la famille. Assurément il n’est pas permis de douter que ce ne soit la dame espagnole, mère de Chuzzlewit Fawkes.

Mais il existe une autre pièce de conviction qui montre quel étroit rapport ont les Chuzzlewit avec cet événement mémorable de l’histoire d’Angleterre ; une pièce qui portera la certitude dans tout esprit assez incrédule, si tant est qu’il y en ait, pour ne pas se rendre à l’évidence de ces preuves.

Il y a quelques années, un très-respectable membre de la famille Chuzzlewit, homme digne de foi à tous égards, homme irréprochable, car jamais ses plus cruels ennemis eux-mêmes ne songèrent à lui faire d’insulte plus sérieuse que de l’appeler Chuzzlewit le Riche, possédait une lanterne sourde d’une antiquité incontestable. Ce qui donnait surtout du prix à cet ustensile, c’est que, pour la forme et le modèle, il était abso-