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vont pas comme nous voulons, ajouta Tom avec un sourire qui, en dépit de son visage humble et vulgaire, était plus agréable à voir que le plus brillant regard de la plus fière beauté ; quand les choses ne vont pas comme nous voulons, que faire ? nous n’y pouvons rien : il ne nous reste d’autre moyen que de prendre le temps comme il vient, d’en tirer le meilleur parti possible, à force de patience et de longanimité. Je ne possède aucun pouvoir et je n’ai pas besoin de vous l’apprendre, mais j’ai beaucoup de bonne volonté ; et, si jamais je puis vous être de quelque utilité en quoi que ce soit, combien je m’estimerais heureux !

— Merci !… dit Martin, lui pressant la main. Vous êtes un digne garçon, sur ma parole, et vous parlez de cœur. »

Après une pause d’un moment, il rapprocha encore son siège du feu et ajouta :

« Vous savez, naturellement je n’hésiterais pas à profiter de vos offres de services si vous pouviez m’être utile ; mais hélas !… »

Ici il se releva les cheveux avec un air d’impatience, et regarda Tom comme s’il voulait lui reprocher de n’être pas autre chose que ce qu’il était.

« Pour le secours que vous pouvez me prêter, dit-il, autant vaudrait, Pinch, m’adresser à la poêle à frire.

— Sauf cependant ma bonne volonté, dit doucement Tom.

— Oh ! certainement. Je pense naturellement comme vous. Si la bonne volonté comptait en ce monde, je ne manquerais pas de me servir de la vôtre. Pourtant en ce moment même vous pourriez faire quelque chose pour moi, si vous vouliez.

— Qu’est-ce ? demanda Tom.

— Me faire la lecture.

— J’en serai enchanté ! s’écria Tom, saisissant le chandelier avec enthousiasme. Excusez-moi si je vous laisse un instant dans l’obscurité ; je vais aller chercher tout de suite un livre. Qu’est-ce que vous préférez ?… Shakspeare ?

— Oui, répondit son ami, bâillant et s’étirant de son mieux. Oui, c’est cela. Je suis fatigué du mouvement de la journée et de la nouveauté de tout ce qui m’environne. En pareil cas, il n’y a pas, je crois, de plus grande jouissance au monde que de s’entendre faire la lecture jusqu’à ce que sommeil s’ensuive. Ça vous sera égal que je m’endorme, n’est-ce pas ?

— Oh ! certainement, s’écria Tom.

— Alors, commencez aussitôt qu’il vous plaira. Vous ne vous