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que c’était une affaire finie, qu’il n’en fallait plus parler. Enfin, le fait est que me voilà ici ! »

Durant quelques minutes, M. Pinch resta à contempler le feu d’un regard embarrassé : il semblait chercher inutilement le sens d’une énigme difficile qu’on lui aurait proposée. Enfin il se décida :

« Naturellement, dit-il, vous connaissiez déjà Pecksniff ?

— De nom seulement. Jamais je ne l’avais vu : car non-seulement mon grand-père s’était éloigné de tous ses parents, mais encore il m’en tenait éloigné moi-même. C’est dans une ville du comté voisin que je me suis séparé de mon grand-père. De cet endroit je suis venu à Salisbury, où j’ai vu l’avis publié par Pecksniff : j’y ai répondu parce que j’ai toujours eu du penchant pour les études de ce genre, et que j’avais lieu de penser que cela me conviendrait. Mais, aussitôt que j’ai su que cet avis provenait de Pecksniff, j’ai eu double motif pour accourir ici, Pecksniff étant…

— Un si excellent homme !… interrompit M. Pinch en se frottant les mains. Oh ! oui ! vous avez parfaitement raison.

— Ce n’était pas tant pour cela, s’il faut confesser la vérité, que pour la haine invétérée que lui porte mon grand-père, et parce que je désirais naturellement, après sa conduite arbitraire à mon égard, me mettre autant que possible en opposition avec toutes ses idées. Eh bien ! comme je vous le disais, me voilà ici ! Il s’écoulera probablement pas mal de temps avant que je puisse mettre à exécution l’engagement que j’ai pris envers la jeune fille dont je vous parlais. En effet, nous n’avons pas, elle et moi, une brillante perspective ; et je ne puis songer à me marier avant d’être réellement en mesure de le faire. Jamais je ne voudrais, bien entendu, me plonger dans la pauvreté, dans la détresse, pour filer le parfait amour dans une chambre au troisième étage…

— Sans parler d’elle, aussi, fit observer Tom Pinch à demi-voix.

— Parfaitement juste, répliqua Martin, qui se leva pour se réchauffer le dos et s’appuya contre le bord de la cheminée. Sans parler d’elle aussi. Après ça, elle n’a pas grand’peine à se résigner aux nécessités de notre situation : d’abord, parce qu’elle m’aime beaucoup ; ensuite, parce que je lui fais là un grand sacrifice, car j’aurais pu trouver beaucoup mieux. »

Il s’écoula un long temps avant que Tom dit : « Certaine-