Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/111

Cette page a été validée par deux contributeurs.

absence, vous pourrez, mon cher Martin, faire le meilleur emploi possible de votre temps. Supposez que vous ayez à me donner votre idée sur un monument à ériger en l’honneur du lord-maire de Londres, ou sur un tombeau pour un shérif, ou sur une étable à vaches, destinée à être bâtie dans le parc d’un noble personnage. Savez-vous, ajouta M. Pecksniff, en croisant ses bras et regardant son jeune parent d’un air d’intérêt méditatif, que j’aimerais beaucoup à connaître vos idées sur une étable à vaches ? »

Mais Martin ne parut nullement goûter cette insinuation.

« Une pompe, dit M. Pecksniff, c’est un exercice d’un goût pur. J’ai reconnu par expérience qu’un lampadaire est de nature à aiguiser l’esprit et à lui donner une direction classique. Un tourniquet monumental peut exercer une influence remarquable sur l’imagination. Que vous semblerait-il de commencer par un tourniquet monumental ?

— Tout comme il plaira à M. Pecksniff, répondit Martin, d’un air mal convaincu de l’excellence du sujet.

— Attendez, dit le gentleman. Voyons ! comme vous êtes ambitieux et que vous dessinez bien, vous… ah ! ah ! ah ! vous vous essayerez la main sur ce projet de collège, en conformant votre plan, bien entendu, aux devis de la notice imprimée. Ma parole ! ajouta-t-il gaiement, je serai très-curieux de voir comment vous vous tirerez du collège. Qui sait si un jeune homme de votre goût ne pourrait pas trouver là-dessus quelque chose d’impraticable, d’impossible peut-être en soi-même, mais que je serais là pour réformer ? Car en réalité, mon cher Martin, c’est dans les dernières touches seulement qui se révèlent la grande expérience et l’étude approfondie de ces matières. Ah ! ah ! ah ! ajouta M. Pecksniff qui, dans sa folle humeur, frappa son jeune ami sur le dos, ce sera pour moi une véritable jouissance de voir comment vous vous serez tiré du collège. »

Martin accepta courageusement cette tâche, et M. Pecksniff s’occupa aussitôt du soin de le munir de tout ce qui lui était nécessaire pour accomplir son œuvre ; pendant ce temps, il insistait sur l’effet magique des quelques touches dernières exécutées par la main du maître ; ce qui, selon certaines gens, toujours les ennemis jurés dont nous avons parlé, était assurément très-surprenant et tout à fait miraculeux, car il y avait des cas où il avait suffi au maître d’introduire une fenêtre de derrière, ou une porte de cuisine, ou une demi--