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main vers la muraille ; ils sont relatifs à notre partie. Je les ai griffonnés moi-même, mais ils sont encore inédits. Prenez garde en montant l’escalier. Ceci, dit-il en ouvrant une autre porte, est ma chambre. Je lis ici quand ma famille croit que je m’y suis retiré pour prendre du repos. Quelquefois, par amour pour l’étude, je compromets ma santé plus que je ne saurais, vis-à-vis de moi-même, m’excuser de le faire ; mais l’art est long et le temps est court. Il y a ici, même ici, vous le voyez, toute facilité pour ébaucher une instruction suffisante. »

Ces derniers mots s’expliquaient par la présence, sur une petite table ronde, d’une lampe, de quelques feuilles de papier, d’un morceau de gomme élastique et d’une boîte d’instruments tout prêts, dans le cas où une idée architecturale eût, au sein de la nuit, jailli du front de M. Pecksniff, afin qu’il pût, à l’instant même, sauter du lit pour la fixer à jamais sur le papier.

M. Pecksniff ouvrit une autre porte au même étage et la ferma aussitôt très-vivement, comme si c’était le cabinet noir de la Barbe-Bleue. Mais auparavant, il regarda en souriant autour de lui, et dit :

« Pourquoi pas ? »

Martin ne put dire comme lui : « Pourquoi pas ? » car il ignorait absolument de quoi il s’agissait. Aussi M. Pecksniff fit-il lui-même la réponse en rouvrant la porte et disant :

« La chambre de mes filles. Un simple premier étage pour le commun des mortels, mais pour elles un vrai paradis. C’est très-propre, très-aéré. Vous voyez des plantes, des jacinthes, des livres, des oiseaux. »

Ces oiseaux, par parenthèse, se composaient en tout et pour tout d’un vieux moineau sans queue, qui se balançait dans sa cage, et qu’on avait apporté tout exprès ce soir-là de la cuisine pour figurer une volière.

« Ici, une foule de ces riens qui plaisent tant aux jeunes filles. Pas autre chose. Ceux qui courent après les splendeurs de la terre n’auraient que faire de venir les chercher ici. »

Après cela, il les conduisit à l’étage supérieur.

« Ceci, dit M. Pecksniff, ouvrant toute large la porte de la mémorable pièce du second étage, ceci est une chambre où j’ose croire qu’il s’est développé bien des talents. C’est une chambre dans laquelle s’est présentée à mon esprit l’idée d’un clocher que je compte donner un jour au monde. C’est