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ses dents quelque chose sur la singularité de l’instinct ; Olivier n’y fit pas grande attention, parce qu’il ne comprit pas.

« Maintenant, dit M. Brownlow en prenant un ton plus bienveillant peut-être que jamais, mais en même temps beaucoup plus sérieux ; maintenant, mon enfant, je vous prie de faire attention à ce que je vais vous dire. Je vous parlerai sans détour, parce que je suis sûr que vous êtes aussi en état de me comprendre que pourraient le faire bien des personnes plus âgées.

— Oh ! monsieur, je vous en conjure, ne me dites pas que vous allez me renvoyer ! s’écria Olivier, inquiet du ton sérieux que venait de prendre son protecteur ; ne me mettez pas à la porte pour que j’aille encore courir les rues. Laissez-moi rester ici pour vous servir. Ne me renvoyez pas à l’affreux repaire d’où je sors. Ayez pitié d’un pauvre enfant, monsieur, je vous en prie.

— Mon cher enfant, dit M. Brownlow, ému de la chaleur avec laquelle Olivier implorait son appui, ne craignez pas que je vous abandonne, à moins que vous ne m’y forciez.

— Jamais, monsieur, jamais, interrompit Olivier.

— Je l’espère, reprit le vieux monsieur ; je suis persuadé que vous ne m’y forcerez jamais. Quoique j’aie déjà éprouvé des déceptions de la part de gens auxquels j’ai voulu faire du bien, je suis pourtant très disposé à avoir confiance en vous, et je m’intéresse à vous plus que je ne puis dire. Les personnes qui ont possédé mes plus chères affections sont maintenant dans la tombe ; mais, quoiqu’elles aient emporté avec elles le charme et le bonheur de ma vie, je n’ai pas fait de mon cœur un cercueil, et je ne l’ai pas fermé pour toujours aux plus douces émotions ; une affliction profonde n’a fait au contraire que les rendre plus fortes ; et cela devait être, car le malheur épure notre cœur. »

Le vieux monsieur, après avoir dit ces paroles à voix basse et comme s’il se parlait à lui-même, garda quelques instants le silence, tandis qu’Olivier, immobile sur sa chaise, osait à peine respirer.

« Si je vous parle ainsi, reprit enfin M. Brownlow d’un ton plus gai, c’est parce que votre cœur est jeune, et, sachant que j’ai éprouvé de violents chagrins, vous éviterez peut-être avec d’autant plus de soin de les renouveler. Vous dites que vous êtes orphelin, sans un ami au monde. Les renseignements que j’ai pu recueillir s’accordent avec votre dire. Racontez-moi