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— Oui, oui, vous avez raison, dit le juif en passant au doigt de la jeune femme un gros passe-partout ; là, c’est parfait. C’est à merveille, ma chère, ajouta-t-il en se frottant les mains.

— Oh ! mon frère ! mon pauvre cher petit frère ! s’écria Nancy fondant en larmes, et tenant d’une main crispée son panier et sa clef comme une femme au désespoir, qu’est-il devenu ? qu’en a-t-on fait ? Oh ! je vous en supplie, messieurs, ayez pitié de moi ; dites-moi où est ce cher enfant, messieurs. Je vous en supplie, mes bons messieurs. »

Après avoir prononcé ces mots d’une voix lamentable et déchirant, à la grande réjouissance des assistants, Mlle Nancy se tut, cligna des yeux, salua la compagnie en souriant et disparut.

« Ah ! voilà une fameuse fille, mes amis ! dit le juif en s’adressant aux jeunes filous et en secouant gravement la tête, comme pour les inviter, par cette nouvelle admonition, à suivre l’illustre exemple qu’ils venaient d’avoir sous les yeux.

— Elle fait honneur à son sexe, dit M. Sikes en remplissant son verre et en frappant la table de son énorme poignet. À sa santé ! et puissent les autres lui ressembler ! »

Tandis qu’on se répandait ainsi en éloges sur Nancy, la perle des femmes, celle-ci se rendait au bureau de police, et elle y arrivait bientôt saine et sauve, non sans avoir éprouvé ce sentiment de timidité naturel à une jeune femme qui se trouve dans les rues seule et sans protection.

Elle entra par derrière, donna un petit coup de clef à la porte d’une des cellules, et prêta l’oreille. Elle n’entendit rien ; alors elle toussa et se remit à écouter ; comme on ne lui répondait pas davantage, elle se décida à parler. « Olivier ! murmura-t-elle doucement ; mon petit Olivier ! »

Il n’y avait dans la cellule qu’un misérable va-nu-pieds qui avait été arrêté pour avoir commis le crime de jouer de la flûte sans patente, et qui, une fois son attentat contre la société clairement prouvé, avait été bel et bien condamné par M. Fang à un mois d’emprisonnement dans une maison de correction ; M. Fang avait ajouté cette remarque plaisante et pleine d’à-propos, que, puisqu’il avait de si bons poumons, il lui serait bien plus salutaire de les dépenser à tourner le moulin qu’à souffler dans une flûte. Le prisonnier, tout entier aux regrets que lui inspirait la perte de sa flûte, confisquée au pro-