Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.

blanc des yeux, j’ai peur que, si la danse commence pour nous, elle ne commence aussi pour d’autres ; votre affaire pourrait bien être encore plus mauvaise que la mienne, mon cher. »

L’homme tressaillit et se tourna vers le juif d’un air menaçant ; mais celui-ci s’enfonça la tête dans les épaules, et ses yeux errèrent au hasard sur le mur placé en face de lui.

Il y eut un long silence : chacun des membres de cette respectable association semblait absorbé par ses propres réflexions, sans excepter le chien, qui se léchait les babines d’un air sournois, et avait l’air de méditer une attaque contre les jambes de la première personne qu’il rencontrerait dans la rue.

« Il faudrait que quelqu’un s’informât de ce qui s’est passé au bureau de police, » dit M. Sikes, d’un ton beaucoup plus bas que celui qu’il avait pris depuis son arrivée.

Le juif fit un signe de tête d’assentiment.

« S’il n’a pas jasé, et s’il est sous clef, il n’y a rien à craindre jusqu’à ce qu’il soit relâché, dit M. Sikes, et alors on en aura soin. Il faut retrouver sa piste d’une façon ou d’une autre. »

Le juif fit un nouveau signe de tête approbatif.

Cette manière d’agir était évidemment la meilleure, mais malheureusement un grave obstacle s’opposait à ce qu’on l’adoptât ; cet obstacle n’était autre que l’antipathie violente et profondément enracinée du Matois, de Charlot Bates, de Fagin et de M. Guillaume Sikes pour le bureau de police, et la répulsion qu’ils éprouvaient à aller rôder aux alentours sous n’importe quel motif.

Il serait difficile de dire combien de temps ils restèrent sans parler, à se regarder les uns les autres, dans un état d’indécision qui n’avait rien d’agréable ; au reste, il serait superflu de faire aucune supposition à cet égard : car l’arrivée soudaine des deux jeunes femmes qu’Olivier avait vues précédemment fit reprendre le cours de la conversation.

« Voilà bien l’affaire ! dit le juif. Betty ira : n’est-ce pas, ma chère ?

— Où ? demanda la jeune dame.

— Rien qu’au bureau de police, ma chère Betty, » dit le juif d’une voix caressante.

Il faut rendre à la jeune dame cette justice qu’elle ne refusa pas positivement d’y aller, mais qu’elle se borna à déclarer