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« J’espère que vous n’êtes pas mécontent de moi, monsieur ? dit Olivier en levant des yeux suppliants.

— Non, non, répondit le vieux monsieur. Bonté divine ! que vois-je ? Bedwin, regardez donc là, et là. »

Et en parlant ainsi il montrait du doigt tour à tour le portrait placé au-dessus de la tête d’Olivier, puis la figure de l’enfant : c’était la copie vivante du portrait ; mêmes yeux, même bouche, mêmes traits. En ce moment la ressemblance était tellement frappante, que toutes les lignes du visage semblaient reproduites avec une précision merveilleuse.

Olivier ignorait la cause de cette exclamation soudaine ; il n’était pas assez fort pour supporter l’émotion qu’elle lui causa, et il s’évanouit.

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Quand le Matois et son digne camarade maître Bates, après s’être approprié d’une manière illégale le mouchoir de M. Brownlow, s’étaient joints à la foule qui poursuivait Olivier, comme nous l’avons raconté précédemment, ils avaient obéi à un sentiment louable et méritoire, celui de se sauver eux-mêmes. Comme le respect de la liberté individuelle est un des privilèges dont tout bon Anglais s’enorgueillit le plus, je n’ai pas besoin de faire observer que cette fuite de nos jeunes filous doit les relever dans l’esprit des patriotes sincères. Ce qui montre bien qu’ils agissaient en vrais philosophes, c’est que, dès que l’attention générale fut fixée sur Olivier, ils cessèrent de poursuivre celui-ci, et regagnèrent leur demeure par le plus court chemin ; après avoir parcouru de toute la vitesse de leurs jambes un dédale de passages et de rues étroites, ils s’arrêtèrent d’un commun accord sous une voûte basse et sombre, et, dès qu’il eut repris haleine, maître Bates poussa un cri de joie et, dans les transports de sa gaieté, se tordit à force de rire et finit par se rouler à terre.

« Qu’as-tu à rire de la sorte ? demanda le Matois.

— Ha ! ha ! ha ! hurlait Charlot Bates.

— Pas tant de bruit, observa le Matois en jetant autour de lui un regard inquiet. Veux-tu te faire coffrer, animal ?

— C’est plus fort que moi, dit Charlot, je n’en peux mais. Comme il courait, enfilant une rue après l’autre, se heurtant aux poteaux, et comme s’il était de fer aussi bien qu’eux, reprenant sa course de plus belle ! et moi, avec le mouchoir dans la poche, à crier après lui : Au voleur ! c’est trop fort. »

La vive imagination de maître Bates lui représenta de nou-