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Mais le vieux monsieur ne put retrouver sur aucune de ces figures les traits d’Olivier. Les souvenirs qu’il avait évoqués lui firent pousser un profond soupir ; mais comme, heureusement pour lui, il était fort distrait, il reprit sa lecture et oublia tout le reste.

Il fut tiré de sa rêverie par le geôlier, qui lui donna un petit coup sur l’épaule et le pria de le suivre. Il ferma aussitôt son livre, et fut introduit dans la salle où siégeait l’imposant et célèbre M. Fang.

Cette salle d’audience donnait sur la rue ; au fond était assis M. Fang derrière une petite balustrade, et près de la porte, sur une petite sellette de bois, se trouvait déjà le pauvre Olivier, tout effrayé de la gravité de cette scène.

M. Fang était de taille moyenne et presque chauve ; le peu de cheveux qui lui restaient lui couvraient le derrière et les côtés de la tête ; l’expression de ses traits était dure, et son teint très coloré. Si en réalité il ne sortait jamais des bornes de la sobriété, il eût pu intenter à sa figure un procès en diffamation et obtenir des dommages-intérêts considérables.

Le vieux monsieur lui fit un salut respectueux, et, s’avançant vers le bureau du magistrat, dit en lui remettant sa carte : « Voici mon nom et mon adresse, monsieur ; » puis il fit deux ou trois pas en arrière en saluant de nouveau, et attendit qu’on lui adressât la parole.

Or il advint que M. Fang se trouvait justement occupé en ce moment à lire un journal du matin, où l’on rendait compte d’un jugement qu’il avait récemment prononcé et où on le recommandait pour la centième fois à l’attention et à la surveillance particulière du secrétaire d’État de l’intérieur. Cette lecture le mit hors de lui et il leva les yeux avec humeur.

« Qui êtes-vous ? » demanda-t-il.

Le vieux monsieur, surpris de cette question, montra du doigt sa carte.

« Officier de police ! quel est cet individu ? dit M. Fang en jetant dédaigneusement de côté la carte et le journal.

— Mon nom, dit le vieux monsieur en s’exprimant avec convenance, mon nom, monsieur, est Brownlow ; permettez-moi à mon tour de demander le nom du magistrat, qui, protégé par la loi, insulte gratuitement et sans aucune provocation un homme respectable. »

En même temps M. Brownlow semblait chercher des yeux dans la salle quelqu’un qui répondît à sa question.