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regards vigilants comme s’il craignait les voleurs, et tâtait toutes ses poches l’une après l’autre, pour voir s’il n’avait rien perdu, et tout cela d’un air si comique et si naturel qu’Olivier en riait jusqu’aux larmes. Les deux jeunes garçons le suivaient de près ; et, chaque fois qu’il se retournait, ils se dérobaient à sa vue avec tant d’agilité, qu’il était impossible de suivre leurs mouvements. À la fin, le Matois lui marcha sur les pieds, tandis que Charlot le heurtait par derrière, et en un clin d’œil, tabatière, portefeuille, montre, chaîne de sûreté, épingle, mouchoir de poche, tout, jusqu’à l’étui à lunettes, disparut avec une rapidité extraordinaire. Si le vieux monsieur avait senti une main dans une de ses poches, il disait dans laquelle, et alors c’était à recommencer.

Quand on eut joué bien des fois à ce jeu, deux jeunes dames vinrent voir les jeunes messieurs ; l’une se nommait Betty et l’autre Nancy ; elles avaient une chevelure épaisse, mais peu soignée, et des chaussures en mauvais état ; elles n’étaient peut-être pas précisément belles ; mais elles étaient hautes en couleur, et avaient le regard résolu et effronté. Comme leurs manières étaient agréables et d’une grande liberté, Olivier pensa qu’elles étaient fort aimables, et sans doute il ne se trompait pas.

La visite dura longtemps : une des jeunes dames se plaignant d’avoir l’estomac glacé, on apporta des liqueurs, et la conversation s’anima de plus en plus. À la fin, Charlot Bates déclara qu’il était temps de jouer du jarret, et Olivier crut que cela voulait dire sortir, en français ; car le Matois, Charlot et les deux jeunes femmes partirent à l’instant, et le vieux juif eut la générosité de les munir d’argent de poche pour s’amuser dehors.

« C’est un genre de vie qui n’est pas désagréable, n’est-ce pas, mon ami ? dit Fagin. Les voilà sortis pour toute la journée.

— Ont-ils achevé leur travail, monsieur ? demanda Olivier.

— Oui, dit le juif ; à moins qu’ils ne trouvent par hasard quelque chose à faire en route ; alors ils n’y manquent pas, crois-le bien. Prends-les pour modèles, mon ami, prends-les pour modèles, ajouta le juif, en donnant un coup de la pelle à feu sur le foyer pour que ses paroles eussent plus de force ; fais tout ce qu’ils te diront, obéis-leur en tout, et surtout au Matois : ce sera un grand homme, et il te formera si tu prends modèle sur lui. Est-ce que mon mouchoir ne sort pas de ma poche, mon ami ? dit-il en s’arrêtant court.