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mettre en colère ; en un clin d’œil il ouvrit la porte du cellier il en fit sortir par le collet l’apprenti rebelle.

Les vêtements d’Olivier avaient été déchirés dans la lutte ; il avait la figure égratignée et écorchée, les cheveux en désordre sur le front. Sa colère n’était pourtant pas éteinte, et, en sortant de sa prison, loin de paraître intimidé, il lança à Noé un regard menaçant.

« Vous êtes un gentil garçon ! dit Sowerberry en donnant un soufflet à Olivier.

— Il a outragé ma mère, répondit Olivier.

— Eh bien ! quand même… petit misérable, dit Mme Sowerberry ; il n’en a pas dit assez sur elle ; elle méritait encore pis.

— Non, dit l’enfant.

— Si vraiment, dit Mme Sowerberry.

— Vous mentez ! » dit Olivier.

Mme Sowerberry fondit en larmes. Ce torrent de larmes ne laissait à son mari aucune alternative. S’il eût hésité un instant à punir Olivier plus sévèrement, il est clair comme le jour que, d’après les usages reçus dans les querelles de ménage, il eût été une brute, un mari dénaturé, un être méprisable et n’ayant d’humain que le visage, sans compter mille autres agréables épithètes trop nombreuses pour avoir place dans ce chapitre.

Il faut reconnaître qu’autant qu’il dépendait de lui (mais son autorité était fort limitée), il était bien disposé pour l’enfant, soit parce qu’il y allait de son intérêt, soit parce que sa femme le détestait. Le torrent de larmes de la dame ne lui laissa nulle ressource. En conséquence il administra à Olivier une correction telle, que Mme Sowerberry elle-même s’en montra satisfaite, et que la canne paroissiale de M. Bumble devint inutile. Le reste du jour, Olivier fut enfermé dans l’arrière-cuisine, en compagnie de la pompe et d’un morceau de pain sec ; le soir, Mme Sowerberry, après avoir encore fait plusieurs remarques injurieuses pour la mémoire de sa mère, lui ouvrit la porte, et, au milieu des sarcasmes de Noé et de Charlotte, lui ordonna de gagner son lit.

Abandonné à lui-même dans la boutique morne et silencieuse du croque-mort, Olivier se livra aux réflexions que le traitement qu’il venait d’éprouver devait éveiller dans son cœur d’enfant. Il avait écouté les sarcasmes avec dédain ; il avait supporté les coups sans pousser un cri : car il sentait se développer dans son cœur un sentiment d’orgueil qui l’eût