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faire nuit, il se mit à penser à tous les gens qu’il avait connus qui étaient morts sur l’échafaud… quelques-uns par sa faute… Ils lui revenaient en mémoire avec une telle rapidité, qu’il pouvait à peine les compter. Il y en avait qu’il avait vus mourir et dont il s’était moqué, parce qu’ils étaient morts avec une prière sur les lèvres. Quel drôle de bruit leurs pieds avaient fait en ratissant les planches, quand ils avaient été lancés dans l’espace ! Quel changement soudain, quand un instant avait fait de ces hommes forts et vigoureux une masse de chiffons, pendillant au bout d’une corde !

Quelques-uns d’entre eux avaient probablement occupé cette cellule… s’étaient assis sur ce banc de pierre. Comme il fait sombre ! pourquoi n’apporte-t-on pas de lumière ? Il y a des siècles que cette cellule est construite… combien d’hommes ont dû y passer leurs dernières heures ! On se croirait couché dans une cave jonchée de cadavres… N’est-ce pas là le bonnet, le nœud coulant, les bras garrottés, ces figures qu’il reconnaît jusque sous le voile hideux qui les cache ?… De la lumière ! de la lumière !

À la fin, quand il se fut bien meurtri les mains à force de frapper contre la porte massive ou contre les murs, deux hommes parurent, l’un tenant une chandelle qu’il fourra dans un chandelier de fer fixé à la muraille, l’autre traînant un matelas sur lequel il passerait la nuit : car le prisonnier ne devait plus être perdu de vue un seul instant.

La nuit vint… sombre, sinistre, silencieuse ; ceux qui veillent aiment à entendre sonner les horloges des églises, car elles leur annoncent le réveil de la vie et l’approche du jour ; mais pour le juif, elles n’annonçaient que désespoir. Tout son de cloche était un tintement d’agonie ; chaque coup apportait à son oreille ce son monotone, profond et sourd… mort ! À quoi lui servaient le bruit et le mouvement du joyeux réveil du jour, qui pénétrait même là, jusqu’à lui ? ce n’était qu’une autre forme de glas funèbre qui lui rappelait sa fin, avec un carillon moqueur par-dessus le marché.

Le jour passe… un jour ? il n’est pas possible que ce soit un jour. Il est à peine venu que le voilà déjà parti. La nuit vint à son tour, nuit à la fois si longue par son affreux silence, et si courte par la rapidité avec laquelle fuyaient les heures ! Tantôt, dans son délire, il s’emportait en blasphèmes ; tantôt il hurlait et s’arrachait les cheveux. Des hommes respectables, de sa religion, étaient venus prier près de lui ; il les avait