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soir, mieux que jamais, quels sont mes devoirs envers celle dont la bonté m’a arrachée aux souffrances et à la misère. C’est une lutte, dit Rose, mais c’est une lutte dont je suis fière ; c’est un coup cruel, mais mon cœur saura le supporter.

— La découverte de ce soir… commença Henry.

— La découverte de ce soir, reprit doucement Rose, me laisse, en ce qui vous concerne, dans la même position qu’auparavant.

— Vous voulez endurcir votre cœur contre moi, Rose, dit le jeune homme.

— Oh ! Henry, Henry, dit la jeune fille en fondant en larmes, je voudrais le pouvoir, je ne souffrirais pas tant.

— Alors, pourquoi vous infliger cette peine ? dit Henry en lui prenant la main ; songez, chère Rose, songez à ce que vous avez entendu ce soir.

— Et qu’ai-je entendu ? s’écria Rose ; que le sentiment du déshonneur de sa famille troubla tellement mon père, qu’il s’enfuit loin de tous ceux qu’il avait connus… Tenez, nous en avons dit assez, Henry ; laissons là cet entretien.

— Pas encore, dit le jeune homme en la retenant au moment où elle se levait ; espérances, désirs, projets, tout a changé pour moi, excepté l’amour que je vous ai voué ; je ne vous offre plus un rang élevé au milieu des agitations du monde, de ce monde méchant et envieux où l’on a à rougir d’autre chose que de ce qui est vraiment honteux. Mais je vous offre un foyer et un cœur ; oui, chère Rose, voilà tout ce que j’ai maintenant à vous offrir.

— Que signifie ce langage ? balbutia la jeune fille.

— Il signifie… que la dernière fois que je vous ai vue, je vous ai quittée avec la ferme résolution d’aplanir tous les obstacles imaginaires qui s’élevaient entre vous et moi, bien décidé, si le monde dans lequel je vivais ne pouvait devenir le vôtre, à le quitter pour être à vous, et à tourner le dos à quiconque mépriserait votre naissance : c’est ce que j’ai fait ; ceux qui se sont éloignés de moi pour ce motif, se sont éloignés de vous, et m’ont ainsi prouvé que jusque-là vous aviez raison. Tel protecteur puissant, tel parent influent qui me souriait alors, me regarde maintenant avec froideur ; mais il y a en Angleterre de riantes campagnes et de beaux ombrages, et à côté d’une église de village, de l’église dont je suis le pasteur, s’élève une habitation rustique, où je serais plus fier de vivre avec vous, chère Rose, qu’au milieu de toutes les splendeurs