Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/387

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Voilà qui est diabolique, observa Tobie en se mordant les lèvres ; il y en aura plus d’un qui y passera cette fois-ci.

— On tient les assises en ce moment, dit Kags ; si on instruit l’affaire à la vapeur, si Bolter charge Fagin, comme il le fera sans doute, d’après ce qu’il a déjà dit, on peut avoir la preuve de la complicité du juif, et rendre la sentence vendredi ; et, dans six jours d’ici, il la dansera, morbleu !

— Si vous aviez entendu la foule crier après lui ! dit Chitling ; les agents de police ont été obligés de lutter comme des diables pour empêcher qu’on ne le mît en pièces ; il y eut un moment où on le renversa, mais ils formèrent un cercle autour de lui et parvinrent à se frayer un passage. Si vous l’aviez vu, couvert de boue et de sang, jeter autour de lui des regards effarés et se cramponner aux agents de police comme si c’étaient ses meilleurs amis ! je les vois encore, serrés de tous côtés par la foule, et l’entraînant au milieu d’eux. Il y avait là des gens qui n’auraient pas mieux demandé que de le déchirer à belles dents ; je le vois encore la barbe et les cheveux pleins de sang ; j’entends les cris affreux que poussaient les femmes, en jurant qu’elles lui arracheraient le cœur. »

Chitling, frappé d’horreur au souvenir de cette scène, mit ses mains sur ses oreilles, et, les yeux fermés, arpenta la chambre en long et en large, comme un homme qui a perdu le sens.

Tandis qu’il se livrait à cet exercice et que les deux autres restaient silencieux, les yeux fixés sur le plancher, un bruit étrange se fit entendre dans l’escalier, et le chien de Sikes s’élança dans la chambre.

Ils coururent à la fenêtre, descendirent l’escalier, regardèrent dans la rue ; le chien avait pénétré dans la maison par une fenêtre ouverte, il ne fit aucun mouvement pour les suivre : son maître n’était pas avec lui.

« Qu’est-ce que ça signifie ? dit Tobie, quand ils furent rentrés dans la chambre ; il n’est pas possible qu’il vienne ici, je… je compte bien qu’il ne viendra pas.

— S’il avait dû venir, il serait venu avec le chien, dit Kags en se penchant pour examiner l’animal, qui était couché haletant sur le plancher. Tenez, donnez-lui un peu d’eau, il est tout fatigué d’avoir couru.

— Voyez ! il n’en a pas laissé une goutte, ajouta Kags, après avoir regardé le chien un instant sans rien dire ; il est couvert de boue, il boite ; il faut qu’il ait fait une grande trotte.