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petites dettes courantes et étaient partis pendant la nuit : nul ne put me dire le motif ni le but de leur voyage. »

Monks respira plus librement et regarda autour de lui avec un sourire de triomphe.

« Quand votre frère, dit M. Brownlow, en rapprochant sa chaise de Monks, quand votre frère, pauvre enfant abandonné, chétif et couvert de haillons, fut jeté sur mon chemin, non par le hasard, mais par la Providence, et sauvé par moi du vice et de l’infamie…

— Quoi ! s’écria Monks en tressaillant.

— Par moi, dit M. Brownlow. Je vous disais bien que mon récit finirait par vous intéresser. Je vois que le juif, votre rusé complice, ne vous a pas dit mon nom, quoique du reste il dût croire qu’il vous était tout à fait inconnu. Quand cet enfant eut été sauvé par moi et qu’il se rétablit chez moi de sa maladie, sa ressemblance surprenante avec le portrait dont je vous parlais tout à l’heure me frappa d’étonnement. Dès la première fois que je le vis, malgré sa misère et ses haillons, je remarquai sur son visage une expression de langueur qui me rappela tout à coup, comme dans un rêve, les traits de celle qui m’avait été si chère. Je n’ai pas besoin de vous raconter comment il fut enlevé dans la rue avant que je connusse son histoire.

— Pourquoi ? demanda vivement Monks.

— Parce que vous connaissez tous ces détails aussi bien que moi.

— Moi !

— Il serait inutile de chercher à le nier, répondit M. Brownlow ; je vous montrerai que je sais encore bien d’autres choses.

— Vous n’avez aucune preuve à produire contre moi, balbutia Monks ; je vous défie d’en produire une !

— Nous verrons, répondit le vieux monsieur en jetant sur Monks un regard scrutateur. Je perdis cet enfant, et tous mes efforts pour le retrouver furent inutiles ; comme votre mère était morte, je savais que, si quelqu’un pouvait éclaircir ce mystère, c’était vous seul. J’appris que vous étiez parti pour vos propriétés des Indes occidentales, où vous vous êtes rendu, ai-je besoin de le dire ? après la mort de votre mère, pour éviter ici de fâcheuses poursuites ; je fis le voyage. Vous aviez quitté les Indes depuis quelques mois, et on supposait que vous étiez revenu à Londres ; mais personne ne pouvait m’indiquer votre adresse. Je revins en Angleterre ; vos correspondants n’avaient aucune donnée sur le lieu de votre résidence ; vous al-