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que le jour commençait à poindre, se leva pour tirer le rideau de la fenêtre.

« Laisse-le, dit Sikes, en lui barrant le passage. Il fait assez clair pour ce que j’ai à faire.

— Guillaume, dit Nancy d’une voix étouffée par la terreur, pourquoi me regardes-tu ainsi ? »

Les narines gonflées, la poitrine haletante, le brigand la considéra quelques instants ; puis, la saisissant par la tête et par le cou, il la traîna jusqu’au milieu de la chambre, et, jetant un coup d’œil vers la porte, il lui mit sa grosse main sur la bouche.

« Guillaume, Guillaume !… dit la jeune fille d’une voix étouffée, en se débattant avec l’énergie que donne la crainte de la mort, je ne crierai pas…, écoute-moi…, parle-moi…, dis-moi ce que j’ai fait ?

— Tu le sais bien misérable ! répliqua le brigand. Tu as été guettée cette nuit… Tout ce que tu as dit a été entendu.

— Alors épargne ma vie comme j’ai épargné la tienne, dit Nancy en se cramponnant après lui. Guillaume, cher Guillaume, tu n’auras pas le cœur de me tuer. Oh ! songe à tout ce que j’ai refusé cette nuit à cause de toi ! Épargne-toi ce crime ; je ne te lâcherai pas ; tu ne pourras pas me faire lâcher prise. Guillaume, pour l’amour de Dieu, pour toi, pour moi, arrête, avant de verser mon sang. Sur mon âme, je ne t’ai pas trahi. »

L’homme fit un violent effort pour dégager son bras ; mais la jeune fille l’étreignait convulsivement, et il eut beau faire, il ne put lui faire lâcher prise.

« Guillaume, criait-elle en s’efforçant d’appuyer sa tête sur la poitrine du brigand, ce monsieur et cette bonne demoiselle m’ont proposé cette nuit d’aller vivre à l’étranger et d’y finir mes jours dans la solitude et la tranquillité. Laisse-moi les revoir et les supplier à genoux d’avoir pour toi la même bonté ; nous quitterons cet affreux séjour ; nous irons bien loin, chacun de notre côté, mener une vie meilleure, et oublier, sauf dans nos prières, la vie que nous avons menée jusqu’ici : après cela, nous ne nous reverrons jamais. Il n’est jamais trop tard pour se repentir ; ils me l’ont dit… Je sais bien maintenant qu’ils disaient vrai ; mais il nous faut du temps, un peu de temps ! »

Le brigand dégagea un de ses bras et saisit son pistolet. La pensée qu’il serait immédiatement découvert s’il faisait feu, lui traversa l’esprit malgré l’accès de rage auquel il était en