Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/347

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Une vieille femme ? demanda M. Bolter.

— Une jeune femme, répondit Fagin.

— Je puis m’en acquitter fort bien, dit Bolter ; à l’école j’étais un fameux rapporteur. Et pourquoi faut-il la guetter ? Pas pour…

— Pour rien du tout, interrompit le juif ; seulement pour me dire où elle va, qui elle voit, et autant que possible ce qu’elle dit. Il faudra se souvenir de la rue, si c’est une rue, ou de la maison, si c’est une maison, et me procurer tous les renseignements possibles.

— Combien me donnerez-vous pour la peine ? demanda Noé en posant son verre et en regardant le juif dans le blanc des yeux.

— Si vous vous en acquittez bien, vous aurez une livre sterling, mon cher, une grosse livre sterling, dit Fagin qui voulait allécher Noé le plus possible. Et je n’ai jamais donné autant pour n’importe quelle besogne où il n’y avait pas gros à gagner.

— Quelle est cette femme ? demanda Noé.

— Une de nous.

— Oh ! oh ! dit Noé en se frottant le bout du nez, vous vous défiez d’elle, à ce qu’il paraît ?

— Elle a fait quelques nouvelles connaissances, mon cher, et il faut que je sois au courant, répondit le juif.

— Compris, dit Noé ; c’est tout bonnement pour avoir le plaisir de faire aussi leur connaissance, si ce sont des gens respectables, hein ? Ha ! ha ! ha ! Je suis votre homme.

— J’en étais sûr, dit Fagin enhardi par le succès de sa proposition.

— Sans doute, sans doute, reprit Noé. Où est-elle ? où faut-il l’attendre ? quand faut-il me mettre en campagne ?

— Quant à cela, mon cher, je vous tiendrai au courant ; je vous la ferai voir quand il en sera temps, dit Fagin. Tenez-vous prêt et laissez-moi faire. »

Ce soir-là et le lendemain et le surlendemain, l’espion resta botté et accoutré de son costume de charretier, prêt à sortir au premier mot de Fagin. Six soirées se passèrent ainsi, six longues et mortelles soirées, et chaque soir Fagin rentra avec un air désappointé, et déclara sèchement que le moment n’était pas venu. Le septième jour, il rentra plus tôt qu’à l’ordinaire, et si content qu’il ne put dissimuler sa satisfaction ; c’était le dimanche.

« Elle sort ce soir, dit Fagin, et pour l’affaire en question