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suivit en tous points les instructions qu’il avait reçues. Grâce à Bates, qui connaissait à fond la localité, elles étaient si exactes, qu’il se trouva dans la salle d’audience sans avoir fait une seule question, ni rencontré le moindre obstacle. Il se sentit bientôt bousculé au milieu d’une foule de personnes composée principalement de femmes ; tout ce monde-là était entassé dans une chambre sale et dégoûtante, au fond de laquelle s’élevait une estrade, entourée d’une grille ; là se trouvait sur la gauche et contre le mur le banc des prévenus ; au milieu une tribune pour les témoins, et à droite, le bureau des magistrats. Ceux-ci étaient séparés du public par une cloison qui les dérobait aux regards ; laissant au vulgaire le soin de deviner, s’il est possible, la majesté cachée de la cour sur son lit de justice.

Sur le banc des accusés, il n’y avait, pour le moment, que deux femmes : elles faisaient des signes de tête à leurs amis, qui y répondaient d’un air aimable. Le greffier lisait une déposition à deux officiers de police et à un homme assez simplement mis qui avait les deux coudes sur la table. Le geôlier était debout près de la balustrade, se tapant le nez nonchalamment avec une grosse clef qu’il avait à la main, et ne s’arrêtant dans cet exercice que pour rétablir le silence parmi les spectateurs, qui parlaient trop haut, ou pour dire sévèrement à une femme : « Emportez donc votre enfant, » lorsque la gravité des juges pouvait être compromise par les cris d’un marmot chétif que sa mère tenait à moitié suffoqué dans son châle. La pièce sentait le renfermé à faire mal au cœur ; les murailles étaient sales et le plafond tout noir. Il y avait sur le manteau de la cheminée un vieux buste enfumé, et au-dessus du banc des prévenus, une pendule couverte de poussière : c’était la seule chose qui parût marcher comme il faut ; car la dépravation ou la pauvreté, ou peut-être les deux ensemble avaient pétrifié les êtres animés renfermés dans cette enceinte, leur donnant la même teinte de momie et le même ton d’écume graisseuse qu’aux objets inanimés ensevelis sous cette couche d’ordure antique.

Noé chercha de tous côtés le Matois ; mais, quoiqu’il y eût là plusieurs femmes qui auraient très bien pu passer pour la mère ou la femme de ce charmant jeune homme, ou des hommes qui auraient pu passer pour son père à s’y tromper, il n’y avait personne qui répondît au signalement de M. Dawkins. Il attendit quelques instants dans un grand embarras et dans