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trant, il fit le plus gracieux salut. S’étant assis à une table voisine des deux voyageurs, il demanda à Barney de lui servir à boire.

« Une belle soirée, monsieur ! mais un peu froide pour la saison, dit Fagin en se frottant les mains. Vous arrivez de la campagne, à ce que je vois, monsieur ?

— À quoi le voyez-vous ? dit Noé.

— Nous n’avons pas à Londres tant de poussière que cela, répliqua le juif en montrant du doigt les souliers de Noé, puis ceux de sa compagne et ensuite les deux paquets.

— Vous êtes diablement malin ! dit Noé. Ah ! ah ! entends-tu ça, Charlotte ?

— Il faut bien l’être ici, mon cher ! dit le juif en baissant la voix. C’est comme je vous le dis, dà ! »

Le juif, en faisant cette remarque, se donna avec l’index de la main droite une petite tape sur le nez ; Noé essaya d’imiter le même geste ; mais, vu l’insuffisance de son nez, il ne réussit pas complètement. Toutefois, Fagin vit dans cette tentative l’intention d’exprimer qu’il était tout à fait de son avis, et fit circuler très poliment la liqueur que Barney venait de lui servir.

« C’est un peu soigné, ça, dit Claypole en faisant claquer ses lèvres.

— Mais c’est cher ! fit le juif. Celui qui veut en boire tous les jours doit vider, sans se fatiguer, des cassettes, des poches, des ridicules, des maisons, des malles-poste et même des banques. »

À ces mots, évidemment extraits de ses propres remarques, Claypole, les traits bouleversés et couverts d’une pâleur mortelle, regarda avec effroi le juif et Charlotte.

« Ne craignez rien, l’ami, dit Fagin en rapprochant sa chaise de la sienne. Ah ! ah ! c’est de la chance que ce soit moi seul qui vous aie entendu. Oui, c’est vraiment de la chance !

— Ce n’est pas moi qui l’ai pris, balbutia Noé ; et cette fois il n’allongeait plus ses jambes comme un gentleman indépendant, mais il les rentrait sous sa chaise le plus possible. C’est elle qui a pris le billet. Tu l’as encore, hein, Charlotte ?… Tu sais bien que tu l’as.

— Peu importe qui a pris l’argent ou qui l’a gardé, l’ami ! répliqua Fagin lançant toutefois un œil de lynx sur la jeune fille et sur les deux paquets. Je travaille là dedans aussi et je ne vous en aime que mieux.