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— Qu’est-ce qui sera bientôt passé ? demanda M. Sikes de son ton bourru ; quelle sottise te passe encore par la tête ? Allons, debout, donne-toi du mouvement, et ne m’impatiente plus avec tes bêtises de femme. »

En toute autre circonstance, cette apostrophe et le ton dont elle était prononcée auraient atteint leur but ; mais la jeune fille, qui était réellement exténuée et à bout de forces, renversa sa tête sur le dos de la chaise et s’évanouit avant que M. Sikes eût eu le temps de proférer les jurements dont il avait coutume, en pareille occasion, d’appuyer ses menaces. Ne sachant trop que faire en une telle occurrence, il eut d’abord recours à quelques blasphèmes, et, voyant ce mode de traitement absolument inefficace, il appela au secours.

« Que se passe-t-il donc, mon ami ? dit le juif en ouvrant la porte.

— Occupez-vous un peu de cette fille ! dit Sikes avec impatience, au lieu de rester là à bavarder et à faire des mines. »

Fagin poussa un cri de surprise et s’empressa de secourir Nancy, tandis que John Dawkins (autrement dit le fin Matois), qui était entré derrière son respectable ami, déposait à terre un paquet dont il était chargé, et, saisissant une bouteille des mains de maître Charles Bates qui était sur ses talons, la débouchait en un clin d’œil avec ses dents, pour verser une partie du contenu dans la bouche de la pauvre fille évanouie, après avoir toutefois, crainte d’erreur, goûté lui-même la liqueur.

« Donne-lui de l’air avec le soufflet, Charlot, dit M. Dawkins ; et vous, Fagin, frappez-lui dans les mains, tandis que Guillaume va desserrer ses jupons. »

Ces divers secours, administrés avec une grande énergie, particulièrement l’exercice du soufflet, que maître Bates, chargé de l’exécution, semblait considérer comme une farce très amusante, ne tardèrent pas à produire l’effet qu’on en attendait. La jeune fille revint à elle peu à peu, se traîna vers une chaise placée près du lit, et se cacha la figure sur l’oreiller, laissant M. Sikes interpeller les nouveaux venus, surpris qu’il était de leur arrivée inattendue.

« Eh bien ! quel mauvais vent vous a poussé ici ? demanda-t-il à Fagin.

— Ce n’est pas un mauvais vent, mon cher, répondit le juif : car les mauvais vents n’amènent rien de bon, et moi, je vous ai