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à coup la scène change, il croit respirer une atmosphère lourde et viciée ; il se sent avec terreur enfermé de nouveau dans la maison du juif ; il voit l’affreux vieillard accroupi à sa place habituelle, le montrant du doigt, et causant à voix basse avec un autre individu, assis à ses côtés, et qui tourne le dos à l’enfant.

Il croit entendre le juif dire ces mots : « Chut ! mon ami ; c’est bien lui, il n’y a pas de doute, allons nous-en.

— Lui ! répondait l’autre ; est-ce que je pourrais m’y méprendre ? Mille diables auraient beau prendre sa figure, s’il était au milieu d’eux, il y a quelque chose qui me le ferait reconnaître à l’instant ; il serait enterré à cinquante pieds sous terre, sans aucun signe sur sa tombe, que je saurais bien dire que c’est lui qui est enterré là. N’ayez pas peur. »

Les paroles de cet homme respiraient une si affreuse haine, que la crainte réveilla Olivier, qui se leva en sursaut.

Dieu ! comme tout son sang reflua vers son cœur, et lui ôta la voix et la force de faire un mouvement !… Là, là, à la fenêtre, tout près de lui, si près qu’il aurait presque pu le toucher, était le juif explorant la chambre de son œil de serpent, et fascinant l’enfant ; et à côté de lui, pâle de rage ou de crainte, ou des deux à la fois, était l’individu aux traits menaçants qui l’avait accosté dans la cour de l’auberge.

Il ne les vit qu’un instant, rapide comme la pensée, comme l’éclair, et ils disparurent. Mais ils l’avaient reconnu. Et lui aussi il ne les avait que trop reconnus ; leur physionomie était aussi profondément gravée dans sa mémoire, que si elle eût été sculptée dans le marbre, et mise sous ses yeux depuis sa naissance. Il resta un instant pétrifié ; puis, sautant dans le jardin, il se mit à crier : « Au secours ! » de toutes ses forces.