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sincère d’une passion qui, vous le savez bien, n’est pas née d’hier et n’a pas été conçue légèrement ; Rose, cette douce et charmante fille, possède mon cœur aussi complètement que jamais femme ait possédé le cœur d’un homme. Je n’ai pas une pensée, pas un projet, pas une espérance dont elle ne soit le but ; si vous vous opposez à mes vœux, autant prendre mon bonheur à deux mains pour le déchirer en morceaux et le jeter au vent… Ayez meilleure opinion de moi, ma mère, et ne regardez pas avec indifférence la félicité de votre fils, dont vous semblez tenir si peu de compte.

— Henry, dit Mme Maylie, c’est parce que je sais ce que valent les cœurs ardents et dévoués, que je voudrais leur épargner toute blessure ; mais nous avons assez et peut-être trop causé de tout cela pour le moment.

— Que Rose elle-même décide de tout, interrompit Henry ; vous ne pousserez pas l’amour de votre opinion jusqu’à me susciter des obstacles près d’elle ?

— Non, dit Mme Maylie ; mais je désire que vous réfléchissiez.

— C’est tout réfléchi, répondit-il vivement. Voilà bien des années, ma mère, que je n’ai pas fait autre chose, depuis que je suis capable de réfléchir sérieusement. Mes sentiments sont inébranlables et le seront toujours ; pourquoi en différer l’aveu par des retards dont je souffre et qui ne peuvent servir de rien ? Non ! avant mon départ il faudra que Rose m’entende.

— Elle vous entendra, dit Mme Maylie.

— Il y a, dans le ton dont vous me dites cela, ma mère, quelque chose qui semblerait faire croire qu’elle m’écoutera froidement, dit le jeune homme d’un air inquiet.

— Non pas froidement, reprit la vieille dame ; loin de là.

— Comment ! s’écria le jeune homme ; aurait-elle une autre inclination ?

— Non certes, dit la mère ; car vous avez déjà, ou je me trompe fort, une trop grande part dans son affection. Voici ce que je voulais dire, reprit la vieille dame en arrêtant son fils qui allait parler : avant de vous attacher tout entier à cette idée ; avant de vous laisser aller à un espoir sans réserve, réfléchissez quelques instants, mon cher enfant, à l’honneur de Rose, et jugez quelle influence la connaissance de sa naissance mystérieuse peut exercer sur sa décision, nous étant dévouée, comme elle l’est, de toute l’ardeur de son noble cœur, et avec cet esprit d’abnégation complet qui a toujours été, dans les cir-