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tacle de la nature : entraînés loin du théâtre de leurs anciens plaisirs et de leurs anciennes souffrances, ils ont paru passer tout à coup à une nouvelle existence, et se traînant chaque jour jusqu’à quelque site riant et couvert de verdure, ils ont senti s’éveiller en eux tant de souvenirs, en contemplant seulement le ciel, les coteaux, la plaine et le cristal des eaux ; qu’un avant-goût du ciel a charmé leur déclin, et qu’ils sont descendus dans la tombe aussi paisiblement que le soleil, dont ils contemplaient le coucher de leur fenêtre solitaire, quelques heures auparavant, disparaissait à l’horizon devant leurs yeux affaiblis.

Les souvenirs que les paisibles scènes champêtres éveillent dans l’esprit ne sont pas de ce monde, et n’ont rien de commun avec les pensées ou les espérances terrestres. Leur douce influence peut nous porter à tresser de fraîches guirlandes pour orner la tombe de ceux que nous avons aimés ; elle peut purifier nos sentiments et éteindre en nous toute inimitié et toute haine ; mais surtout elle ravive, dans l’âme même la moins méditative, la vague souvenance qu’on a déjà éprouvé de telles sensations bien loin dans le passé, et en même temps elle nous donne l’idée solennelle d’un lointain avenir, d’où l’orgueil et les passions de monde sont à jamais exilés.

Le lieu de leur résidence était ravissant, et Olivier, qui avait vécu jusqu’alors parmi des êtres dégradés, au milieu du bruit et des querelles, crut entrer là dans une nouvelle existence. La rose et le chèvrefeuille grimpaient le long des murs du cottage, le lierre s’enroulait autour du tronc des arbres, et les fleurs embaumaient l’air de parfums délicieux ; tout auprès était un petit cimetière, non pas garni de grandes tombes de pierre, mais de petits tertres couverts de mousse et de gazon, sous lesquels dormaient en paix les vieillards du village. Olivier allait souvent s’y promener, et, en songeant à la misérable sépulture où reposait sa mère, il s’asseyait parfois et sanglotait sans être vu ; mais quand il levait les yeux vers le vaste ciel au-dessus de sa tête, il ne songeait plus qu’elle gisait sous terre, et pleurait sur elle tristement, mais sans amertume.

Ce fut un temps heureux ; ses jours étaient paisibles et sereins, et les nuits n’amenaient avec elles ni crainte ni souci ; il n’avait plus à languir dans une triste prison, ni à s’associer avec des misérables ; nulle autre pensée que des pensées riantes. Chaque matin il se rendait chez un vieux monsieur aux cheveux blanchis, qui habitait près de la petite église, et