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affreux malaise, présage d’une mort certaine s’il restait où il était, se remit sur pied et essaya de marcher. Il avait la tête embarrassée, et il chancelait comme un homme ivre ; il parvint néanmoins à se tenir sur ses pieds, et, la tête pendante sur la poitrine, il s’avança d’un pas incertain, sans savoir où il allait.

Une foule d’idées bizarres et confuses se croisaient dans son esprit ; il lui semblait qu’il marchait encore entre Sikes et Crackit, qui se disputaient violemment, et que leurs paroles frappaient son oreille ; si, dans son délire, il faisait un violent effort pour s’empêcher de tomber, il se trouvait tout à coup qu’il était en conversation réglée avec eux ; puis il était seul avec Sikes, arpentant le terrain comme il l’avait fait la veille, et il croyait sentir encore l’étreinte du brigand chaque fois que quelqu’un passait à côté d’eux. Tout à coup il tressaillait au bruit d’une détonation d’arme à feu, et il entendait de grands cris ; des lumières brillaient devant ses yeux ; tout était bruit et tumulte, et il lui semblait qu’il était enchaîné par une main invisible ; à ces visions rapides venait se joindre un sentiment vague et pénible de souffrance qui le tourmentait sans relâche.

Il s’avança ainsi en chancelant, se frayant machinalement passage entre les barrières et les haies qui se trouvaient sur son chemin, et enfin il arriva à une route ; là, la pluie commença à tomber si fort qu’il revint à lui.

Il regarda tout à l’entour et vit à peu de distance une maison, jusqu’à laquelle il pourrait peut-être se traîner. En voyant son état on aurait sans doute pitié de lui, et dans le cas contraire, mieux valait encore, pensait-il, mourir près d’un toit habité par des êtres humains, que dans la solitude des champs, à la belle étoile. Il réunit tout ce qui lui restait de force pour cette dernière tentative, et s’avança d’un pas incertain.

En approchant de cette maison, il lui sembla vaguement qu’il l’avait déjà vue ; il ne se souvenait d’aucun détail, mais la forme et l’aspect de cette maison ne lui étaient pas inconnus.

Ce mur de jardin ! sur la pelouse, de l’autre côté, il était tombé à genoux la nuit dernière, et avait imploré la merci des deux brigands ; c’était bien là la maison qu’ils avaient essayé de dévaliser.

En reconnaissant où il était, Olivier éprouva une telle crainte, qu’il oublia un instant les tortures que sa blessure lui faisait