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maison, on le traitait toujours comme un jeune garçon qui promettait, bien qu’il eût quelque chose comme trente ans passés.

Ils causaient donc, comme nous l’avons vu, pour se donner du courage ; mais ils marchaient serrés les uns contre les autres, et jetaient autour d’eux un regard inquiet, pour peu que le vent agitât les branches ; ils se portèrent avec précipitation vers un arbre au pied duquel ils avaient laissé leur lanterne, qu’ils enlevèrent dans la crainte que la lueur n’indiquât aux voleurs le point vers lequel il fallait faire feu. Puis ils continuèrent à se diriger vers la maison, plutôt courant que marchant, et, longtemps après qu’il ne fut plus possible de les distinguer, on entrevoyait encore leur ombre mobile s’agiter et danser dans le lointain, assez semblable à une vapeur qui s’élève d’un sol humide et détrempé.

L’air devint plus froid à mesure que le jour avança lentement, et le brouillard couvrit la terre comme d’un épais nuage de fumée. L’herbe était trempée, les sentiers et les bas-fonds n’étaient que boue et que fange, et un vent de pluie malsain faisait entendre son triste sifflement. Olivier était toujours immobile et privé de sentiment, à l’endroit où Sikes l’avait laissé.

Le jour se leva lentement ; une pâle lueur éclaira le ciel, marquant plutôt la fin de la nuit que le commencement du jour. Les objets qui, dans l’obscurité, semblaient effrayants et terribles, devenaient de plus en plus distincts et reprenaient peu à peu leur aspect habituel. La pluie tombait fine et serrée, et battait les buissons dégarnis de feuilles ; mais Olivier ne la sentait pas, et restait gisant, sans connaissance et loin de tout secours, sur sa couche d’argile.

Enfin, un faible cri de douleur rompit ce long silence, et en le poussant l’enfant s’éveilla. Son bras gauche, grossièrement enroulé dans un châle, pendait sans force à son côté, et la bande était couverte de sang. Il était si faible qu’il eut de la peine à se mettre sur son séant, et, quand il en fut venu à bout, il regarda languissamment autour de lui pour chercher du secours, et la douleur lui arracha des gémissements. Tremblant de froid et d’épuisement, il fit un effort pour se lever ; mais le frisson le saisit de la tête aux pieds, et il retomba à terre.

Après être revenu quelques instants à l’état de stupeur dans lequel il avait été si longtemps plongé, Olivier, sentant un