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sa taverne, sa boutique de friture. C’est pour tous les filous de bas étage un véritable marché, visité de grand matin ou le soir, entre chien et loup, par des marchands silencieux, qui traitent leurs affaires dans d’obscures arrière-boutiques, et s’en vont à la dérobée comme ils sont venus. Là le marchand d’habits, le rapiéceur de savates, le marchand de chiffons, étalent leur marchandise comme une enseigne pour le filou, et des tas d’os et de ferrailles, des lambeaux d’étoffes de laine ou de toile, pourrissent ou se rouillent dans des caves humides et noires.

C’était dans ce passage que le juif venait d’entrer ; il était bien connu des sales habitants du lieu, car tous ceux qui étaient en vedette sur le pas de la porte, vendeurs ou acheteurs, le saluaient familièrement d’un signe de tête quand il passait. Il répondit de la même manière à leur salut, mais ne s’arrêta qu’au bout du passage, pour adresser la parole à un brocanteur de petite stature, assis, autant du moins qu’il pouvait y entrer, dans un fauteuil d’enfant, et fumant sa pipe devant sa boutique.

« En vérité, monsieur Fagin, rien que de vous voir il y a de quoi guérir d’une ophtalmie, répondit le respectable négociant au juif qui lui demandait des nouvelles de sa santé.

— Le voisinage était un peu trop chaud, Lively, dit Fagin en relevant ses sourcils et en se croisant les bras.

— C’est vrai ! j’ai déjà entendu des gens s’en plaindre à plusieurs reprises, répondit le brocanteur, mais cela se refroidit bien vite ; ne trouvez-vous pas ? »

Fagin fit un signe de tête affirmatif, et étendant la main dans la direction de Saffron-Hill :

« Y a-t-il quelqu’un là-bas ce soir ? demanda-t-il.

— Aux Trois-Boîteux ? » demanda l’homme.

Le juif fit signe que oui.

« Attendez, poursuivit le marchand en cherchant dans sa tête ; ils sont bien une demi-douzaine, à ma connaissance ; je ne crois pas que votre ami soit du nombre.

— Sikes n’y est pas, je suppose ? demanda le juif d’un air désappointé.

Non est ventus, il n’est pas venu, comme disent les gens de loi, répondit le petit homme en secouant la tête et en prenant un air singulièrement rusé. Avez-vous quelque chose ce soir qui puisse faire mon affaire ?

— Rien ce soir, dit le juif en s’éloignant.