Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/158

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Oui, répondit l’homme, qui semblait un peu échauffé par la boisson ; ça ne sera pas long. Mon cheval n’est pas chargé pour retourner, comme il l’était ce matin pour venir, et il fera la route en moins de rien, et bien content ! C’est une fameuse bête.

— Pourriez-vous me conduire jusque-là, moi et mon garçon ? demanda Sikes en versant à boire à son nouvel ami.

— Oui, si vous partez tout de suite, répondit l’homme. Vous allez à Halliford ?

— Je vais jusqu’à Shepperton, dit Sikes.

— Je suis votre homme jusqu’à ma destination, reprit l’autre. Tout est payé, Rebecca ?

— Oui, monsieur a payé, répondit celle-ci.

— Dites donc ! fit le paysan du ton sérieux d’un homme qui a bu un coup de trop ; ça ne peut pas se passer comme ça, entendez-vous ?

— Pourquoi ? dit Sikes ; vous nous rendez service ; vous m’épargnez le désagrément de rester ici en plan ; est-ce que cela ne vaut pas une pinte ou deux ? »

L’étranger pesa mûrement la valeur de cet argument, puis donna une poignée de main à Sikes en déclarant qu’il était un digne homme. À quoi celui-ci répondit que c’était une plaisanterie ; on eût pu le croire en effet, si le paysan eût été de sang-froid.

Après avoir encore échangé quelques politesses, ils souhaitèrent le bonsoir à la compagnie, et sortirent, tandis que la servante rangeait les pots et les verres, et venait, les mains pleines, se planter devant la porte pour les voir partir.

Le cheval, à la santé duquel on avait bu, était devant la porte, attelé à la charrette. Olivier et Sikes y montèrent sans plus de cérémonie, et le paysan, après s’être répandu de nouveau en éloges sur son cheval, et avoir défié l’aubergiste d’en trouver un pareil, monta à son tour. Le garçon d’auberge prit le cheval par la bride, le mena jusqu’au milieu de la route ; mais à peine eut-il lâché la bête qu’elle se mit à faire un mauvais usage de sa liberté, à s’élancer de l’autre côté de la route et à se cabrer ; puis elle partit au galop, et disparut comme un trait.

La nuit était très sombre ; un épais brouillard s’élevait de la rivière et des marais d’alentour, et se répandait sur les champs. Le froid était perçant. Tout était sombre et d’un aspect sinistre ; les voyageurs n’échangèrent pas une parole, car