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— Bah ! dit le juif, en se retournant d’un air désappointé après avoir scruté attentivement la figure de l’enfant. Dans ce cas, attends que Guillaume te mette au courant. »

Le juif parut très contrarié de voir qu’Olivier ne témoignait pas plus de curiosité à ce sujet ; mais, à vrai dire, celui-ci, bien qu’il fût dévoré d’inquiétude, était si troublé par le regard scrutateur de Fagin et par ses propres pensées, qu’il ne put en demander davantage en ce moment. L’occasion ne se présenta plus ; le juif resta morne et silencieux jusqu’au soir, et, à la nuit close, se prépara à sortir.

« Tu peux allumer une chandelle, dit le juif en en posant une sur la table ; et voici un livre pour te distraire jusqu’à ce qu’on vienne te chercher. Bonsoir.

— Bonsoir, monsieur, » répondit doucement Olivier.

Le juif se dirigea vers la porte, en regardant l’enfant du coin de l’œil ; puis il s’arrêta brusquement et l’appela par son nom.

Olivier leva la tête ; le juif, lui montrant du doigt la chandelle, lui fit signe de l’allumer. Il obéit ; et, comme il posait le flambeau sur la table, il vit que le juif, les sourcils froncés, l’examinait attentivement du fond de la chambre.

« Prends garde, Olivier ! prends garde à toi ! dit le vieillard avec un geste qui en disait plus que des paroles ; c’est un butor capable de tout, pour peu qu’on l’irrite. Quoi qu’il arrive, ne dis rien, et fais tout ce qu’il voudra. Réfléchis bien à ce que je te dis là ! »

Il appuya beaucoup sur ces derniers mots ; un horrible sourire passa sur son visage ; il fit un signe de tête et sortit.

Olivier, resté seul, mit sa tête dans ses mains, et réfléchit avec angoisse aux paroles qu’il venait d’entendre : plus il pensait à la recommandation du juif, et plus il se perdait en conjectures sur le sens et la portée de cet avis. Si l’on avait à son égard des intentions criminelles, ne pouvait-on pas les mettre à exécution tout aussi bien chez Fagin que chez Sikes ? Tout considéré, il s’arrêta à l’idée qu’on l’avait choisi pour remplir chez ce dernier quelques fonctions domestiques, jusqu’à ce qu’il se fût procuré un garçon qui lui convînt davantage ; il était trop habitué à souffrir, et il avait trop souffert chez le juif, pour regretter un changement, quel qu’il fût. Il resta quelques minutes plongé dans ces pensées, puis moucha la chandelle en soupirant, et, ouvrant le livre que Fagin lui avait laissé, se mit à le parcourir.