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— Parce qu’ils ne sont bons à rien, mon cher, répondit le juif un peu embarrassé ; ils ne valent pas la peine qu’on les prenne ; quand ils se font pincer, leur physionomie seule dépose contre eux, et je les perds tous. Au contraire, en tirant bon parti de cet enfant, je puis faire avec lui, mes amis, plus qu’avec vingt autres. D’ailleurs, s’il parvenait encore à nous fausser compagnie, il nous tient : il est donc indispensable qu’il soit des nôtres. Qu’il participe à un seul vol, il n’en faut pas davantage pour que je le tienne à ma merci, et c’est tout ce que je veux. Cela vaut bien mieux que d’être obligé de se défaire de ce pauvre petit garnement ; d’abord nous y perdrions, et puis nous pourrions courir quelque danger.

— À quand l’expédition ? demanda Nancy au moment où M. Sikes allait se récrier avec violence, et exprimer le profond dégoût que lui inspiraient les semblants d’humanité de Fagin.

— Ah ! c’est vrai, dit le juif ; à quand l’expédition, Guillaume ?

— Dans la nuit d’après-demain, répondit Sikes d’une voix sombre ; c’est convenu avec Tobie, à moins que je ne lui donne contre-ordre.

— Bon, dit le juif ; il n’y a pas de lune.

— Non, répliqua Sikes.

— Et tout est disposé pour emporter le magot ? » demanda Fagin.

Sikes fit un signe de tête affirmatif.

« Et avez-vous songé…

— Oh ! tout est prévu, repartit Sikes ; assez de détails comme ça. Il vaudra mieux amener l’enfant ici demain soir ; je plierai bagage au point du jour. Ainsi taisez-vous, et préparez le creuset : c’est tout ce que vous avez à faire. »

Après une discussion à laquelle les trois personnages prirent part, il fut décidé que le lendemain, à la nuit close, Nancy irait chez le juif et ramènerait Olivier. Fagin observa adroitement que, si l’enfant montrait de la répugnance pour l’entreprise, il suivrait plutôt Nancy que tout autre, puisqu’elle s’était interposée récemment en sa faveur. On stipula formellement que le pauvre Olivier serait abandonné, sans réserve, aux soins et à la garde de M. Guillaume Sikes ; et de plus que ledit Sikes en agirait avec lui comme il l’entendrait, sans être responsable, auprès du juif, de ce qui pourrait arriver de fâcheux à l’enfant, ni de tout châtiment qu’il jugerait néces-