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métier où il gagnait de l’argent, lui fait apprendre à lire et à écrire, et avec le temps en fait un apprenti ; et voilà comme ils procèdent, dit M. Sikes dont ce souvenir excitait la colère, voilà comme ils se mêlent de tout ; et, s’ils avaient assez d’argent (mais Dieu merci ils n’en sont pas encore là), il ne nous resterait pas six enfants par an pour notre métier.

— C’est vrai, observa le juif, qui, tandis que Sikes parlait, était resté absorbé dans ses pensées, et n’avait saisi que les derniers mots ; Guillaume !

— Eh bien ? » demanda Sikes.

Le juif fit un signe de tête en montrant Nancy, qui restait immobile devant le feu ; il donnait ainsi à entendre à Sikes qu’il devrait éloigner la jeune fille : celui-ci haussa les épaules avec impatience, mais se rendit pourtant au désir du juif, et demanda à Nancy d’aller lui chercher un pot de bière.

« Tu n’en veux pas, dit Nancy en se croisant les bras et en restant tranquillement à sa place.

— Je te dis que si, répondit Sikes.

— Allons donc ! reprit celle-ci avec sang-froid. Continuez, Fagin. Je sais ce qu’il va dire, Guillaume ; il n’a pas besoin de faire attention à moi. »

Le juif hésitait encore, et Sikes les regarda l’un et l’autre avec quelque surprise.

« En quoi cette fille peut-elle vous gêner, Fagin ? demanda-t-il enfin ; il y a assez longtemps que vous la connaissez pour vous fier à elle, ou alors, à tous les diables ! Elle n’est pas femme à jaser ; n’est-ce pas, Nancy ?

— Je pense bien que non, répondit la jeune fille en approchant sa chaise de la table, sur laquelle elle posa ses deux coudes.

— Non, non, ma chère, je n’en doute pas, dit le juif ; mais… »

Et il s’arrêta encore.

« Mais quoi ? demanda Sikes.

— Je ne savais pas si elle ne serait pas encore peut-être aussi mal disposée que l’autre soir, » répondit le juif.

Nancy partit d’un grand éclat de rire, et, avalant un verre d’eau-de-vie, secoua la tête d’un air de défi, et se mit à pousser des exclamations incohérentes : « Allez toujours votre chemin ! Ne parlez jamais de vous rendre ! » et autres semblables, ce qui parut rassurer complètement les deux hommes. Le juif hocha la tête avec satisfaction et se rassit ; M. Sikes en fit autant.

« Maintenant, Fagin, dit Nancy en riant, contez à Guillaume vos projets sur Olivier.