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les cendres la liqueur qu’il contenait, puis le remplit pour lui-même, et le vida d’un trait.

Pendant ce temps, le juif promenait ses regards autour de la chambre, non par curiosité, car il la connaissait depuis longtemps, mais avec cette expression inquiète et soupçonneuse qui lui était naturelle. Elle était pauvrement meublée, et les objets contenus dans l’armoire indiquaient seuls qu’elle n’était pas occupée par un ouvrier. Rien ne pouvait éveiller de soupçons, sauf deux ou trois gros gourdins placés dans un coin, et un casse-tête accroché au-dessus de la cheminée.

« Allons, dit Sikes en faisant claquer ses lèvres, maintenant, je suis à vous.

— Pour causer d’affaires, hein ? demanda le juif.

— Oui, pour causer d’affaires, répondit Sikes. Ainsi, dites ce que vous avez à dire.

— Au sujet de cette maison à Chertsey, Guillaume, dit le juif en rapprochant sa chaise et en parlant très bas.

— Oui ; eh bien, quoi ? demanda Sikes.

— Ah ! vous savez bien ce que je veux dire, mon cher, reprit le juif. N’est-ce pas, Nancy, qu’il sait bien ce que je veux dire ?

— Non, il n’en sait rien, dit ironiquement M. Sikes, ou il ne veut pas le savoir, ce qui est tout comme ; parlez, et appelez les choses par leur nom. Allez-vous rester longtemps à cligner de l’œil, à barguigner et à parler par énigmes, comme si ce n’était pas vous qui avez eu la première pensée de ce vol ? expliquez-vous, que diable !

— Paix, paix, Guillaume ! dit le juif, qui avait essayé inutilement de modérer l’indignation de M. Sikes ; on pourrait nous entendre, mon cher, on pourrait nous entendre.

— Eh bien ! qu’on nous entende ! répliqua Sikes ; que m’importe ? »

Il comprit pourtant que cela importait, car il baissa le ton en prononçant ces mots et redevint plus calme.

« Allons, allons, dit le juif d’un air doucereux, c’était seulement par prudence… rien de plus. Maintenant, mon cher, parlons de cette maison de Chertsey ; quand fait-on le coup, hein ! Guillaume ? Tant d’argenterie, mes amis, tant d’argenterie ! ajouta-t-il en se frottant les mains et en écartant ses sourcils, comme s’il tenait déjà le trésor.

— Il n’y a rien à faire, dit froidement Sikes.

— Rien à faire ! répéta le juif en se laissant tomber sur le dos de sa chaise.