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sans autre passe-temps que ses tristes pensées, il versait peu à peu dans son cœur le poison sur lequel il comptait pour le corrompre et le souiller à tout jamais.


CHAPITRE XIX.
Discussion et adoption d’un plan de campagne.

Par une nuit sombre, pluvieuse et froide, le juif, après avoir boutonné jusqu’au haut sa grande redingote, et relevé le collet sur ses oreilles de manière à cacher le bas de sa figure, sortit de son affreuse tanière. Il s’arrêta un instant sur le seuil, tandis que, derrière lui, on fermait soigneusement la porte à clef et qu’on poussait les verrous ; il prêta l’oreille pour s’assurer que ses élèves s’acquittaient bien de ces mesures de prudence, et, quand il n’entendit plus le bruit de leurs pas, il s’éloigna au plus vite.

La maison où l’on avait conduit Olivier était dans le voisinage de Whitechapel. Arrivé au coin de la rue, le juif s’arrêta de nouveau, jeta autour de lui un regard défiant, puis passa de l’autre côté, et se dirigea vers Spitalfields.

Une boue épaisse couvrait le pavé ; les rues étaient plongées dans le brouillard ; la pluie tombait lentement, l’air était froid, le sol glissant : c’était, en un mot, une nuit faite exprès pour un promeneur tel que le juif. Tandis qu’il cheminait à pas de loup, rasant les murailles ou se dissimulant sous l’auvent des boutiques, l’affreux vieillard ressemblait à un hideux reptile sorti de la fange et des ténèbres, et rampant dans l’ombre, à la recherche d’une nourriture immonde.

Il parcourut un grand nombre de rues étroites et tortueuses, jusqu’à ce qu’il eut atteint Bethnal-Green ; puis, tournant tout à coup à gauche, il s’engagea dans un dédale de petites rues sales, comme on en trouve tant dans ce quartier populeux de Londres.

Le juif semblait du reste trop bien connaître les lieux qu’il traversait, pour éprouver la moindre difficulté à s’orienter, malgré l’obscurité, au milieu de ce labyrinthe ; il parcourut à grands pas nombre de passages et d’allées, et s’engagea enfin